Prix 2018

Prix de la Fondation Napoléon 2018 – Premier Empire

Natalia Griffon de Pleineville, La première invasion du Portugal par l’armée napoléonienne (1807-1808), Économica

La campagne de l’armée française au Portugal en 1807-1808 fut la première invasion de ce pays par les troupes napoléoniennes. Sous les ordres du général Jean-Andoche Junot, ami personnel de Napoléon et candidat potentiel au maréchalat, après une dure traversée de l’Espagne, l’armée arriva enfin à Lisbonne, trop tard pour empêcher le départ de la famille royale. L’Empereur pouvait désormais réaliser son projet d’inclure le royaume lusitanien dans son orbite.
Dès les premiers jours, Junot, devenu duc d’Abrantès, chercha à se faire aimer et entreprit un vaste programme de réformes. Cependant, rien n’alla comme prévu. La domination française, qui s’accompagnait de contributions et d’exactions, exaspéra le peuple qui se révolta contre les envahisseurs. Les Anglais ne tardèrent pas à débarquer et à mener une campagne victorieuse contre les troupes françaises empêtrées dans d’innombrables difficultés. Après la bataille de Roliça, dans laquelle le général Delaborde fit montre des procédés tactiques que son adversaire, le futur duc de Wellington, utilisera avec succès dans les années à venir, les Britanniques remportèrent une grande victoire à Vimeiro, sans pouvoir l’exploiter. L’habileté diplomatique du général Kellermann permit aux Français de conclure un traité inespérément avantageux. Junot évitait ainsi la colère de Napoléon mais perdait sa chance de gagner un bâton de maréchal.
Première d’une longue série des campagnes des Français dans la péninsule Ibérique, l’expédition de 1807-1808 mérite que l’on s’y attarde. Moins connue que les guerres conduites par Napoléon en personne en Europe centrale, elle constitue un chaînon important dans l’histoire des campagnes militaires du Premier Empire.
Natalia Griffon de Pleineville (Goutina) est rédactrice en chef de la revue Gloire & Empire. Historienne et conférencière, elle a été lauréate du Prix Georges Mauguin de l’Académie des sciences morales et politiques pour sa biographie du général Gazan en 2015.

 

Prix de la Fondation Napoléon 2018 – Second Empire

Thibault Gandouly, Paul de Cassagnac, l’enfant terrible du bonapartisme, Via Romana

Paul de Granier de Cassagnac, dit Paul de Cassagnac (1842-1904), a disparu des mémoires. Aucune rue, aucune place ne porte son nom dans le Gers, où il fut député pendant une vingtaine d’années. Aucun ouvrage biographique n’était consacré en France à l’inventeur du sobriquet de « Gueuse » pour désigner la République. De grande taille, la moustache large, le teint légèrement basané, la démarche lente, l’homme a, d’après l’un de ses contemporains, le physique de l’homme des foules. « C’est d’Artagnan ou, si vous préférez, quelque capitaine du seizième siècle dont l’épée tient mal au fourreau, dont la langue est prompte aux ripostes meurtrières, toujours prêt à mettre flamberge au vent. » Bonapartiste enragé et ardent défenseur du catholicisme tant dans la presse qu’à la tribune de la Chambre des députés, il vit toutes les secousses politiques de la seconde moitié du XIXe siècle : la chute de l’Empire, la victoire des républicains en 1876, le boulangisme, le ralliement et l’affaire Dreyfus. Il côtoie bon nombre des figures majeures du Second Empire et des premières décennies de la IIIe République : Napoléon III et le prince impérial, Adolphe Thiers, le maréchal de Mac-Mahon, Léon Gambetta, Jules Ferry, le comte de Paris ou Georges Clemenceau. Cassagnac est donc un formidable point d’observation de la vie politique de la fin du XIXe siècle, du côté des conservateurs. Mais il y a plus : esprit indépendant et frondeur, duelliste invaincu, orateur et écrivain de talent, impliqué dans plusieurs intrigues, il fascine ses contemporains et fait tourner des têtes. « Son idéal serait d’être fils de croisés et de défendre le Roi et Dieu » écrit en 1879 l’une de ses admiratrices, Marie Bashkirtseff. Paul de Cassagnac est imprégné de cet esprit chevaleresque qui le fait combattre jusqu’à sa mort « pour Dieu et pour la France », comme l’indique sa devise. Toute sa vie se prévaut de sentiments de fidélité, de loyauté et d’honneur, et ce parfois jusqu’à l’excès.
Thibault Gandouly est professeur d’histoire-géographie dans un lycée de l’Oise.

 

Prix du Jury de la Fondation Napoléon 2018

Jean Mendelson, Sainte-Hélène 2015, Portaparole

Jusqu’à l’inauguration de son aéroport, le 14 octobre 2017, l’île de Sainte-Hélène, perdue dans l’océan Atlantique, n’était reliée au monde que par voie maritime – ce qui supposait une navigation d’au moins cinq jours depuis l’Afrique du Sud.
L’ambassadeur Jean Mendelson, envoyé deux ans auparavant dans l’île pour signer avec le gouvernement local un accord sur les Domaines français de Sainte-Hélène, raconte cette dernière mission par mer, qui coïncide avec le bicentenaire de l’arrivée de Napoléon, tout en imaginant la vie du prisonnier et en situant le personnage dans les débats politiques contemporains.
L’émotion que provoquent naturellement les lieux chargés d’histoire est, à Sainte-Hélène, décuplée par l’extrême isolement de l’île et Mendelson, loin de récuser cette émotion, se laisse conduire par l’épopée chantée par Victor Hugo. Au-delà de la légende ou du parti pris, il examine les raisons de la vivacité des débats sur la Révolution et l’Empire dans lesquels prennent racine nombre d’aspects de la France contemporaine. Robespierre et Napoléon, avec leurs fulgurances comme leurs fautes – et parfois leurs crimes -, ne demeurent-ils pas les personnages les plus clivants de notre histoire, déclenchant toujours, deux siècles plus tard, haine ou adulation, critique systématique ou admiration sans borne ?
L’atmosphère est émouvante, parfois bouleversante. Les deux petits lits de campagne, qui sont installés dans le cabinet de travail du prisonnier et dans le salon où il recevait ses invités et où il est mort, suscitent une sorte de paralysie – en réalité les originaux sont aux Invalides et à Bois-Préau, mais qu’importe ? Dans les derniers jours, le malade avait été transporté dans le salon, la pièce la plus éclairée, et c’est ici que, le 5 mai 1821, « à six heures moins onze minutes du soir, au milieu des vents, de la pluie et du fracas des flots, Bonaparte rendit à Dieu le plus puissant souffle de vie qui jamais anima argile humaine », écrira Chateaubriand dans ses Mémoires d’Outre-Tombe. Le lendemain son corps, recouvert de l’uniforme de colonel de la Garde, a été placé dans le cabinet où la population de Sainte-Hélène, qui dans sa grande majorité ne l’avait jamais vu, a défilé, ainsi que les officiels civils et militaires britanniques et les commissaires des puissances alliées.
Jean Mendelson fut ambassadeur, et directeur des Archives diplomatiques (2006-2010).