Commode et secrétaire

Pierre-Etienne Levasseur et Levasseur Jeune (peut-être Pierre-François-Henri Levasseur 1764-1841)
Vers 1806 (?)
Acajou et buis avec incrustations d’écaille, de nacre, de lapis-lazuli, d’étain et de corail ; bronze doré, marbre bleu turquin
Commode : H. 100 ; L. 132 ; l. 56 cm Secrétaire : H. 135 ; L. 82 ; l. 40 cm.
Inv. 873, donation Lapeyre

L’acquisition de ces deux meubles en 1978 par Martial Lapeyre a permis de faire entrer dans les collections de la Fondation Napoléon d’extraordinaires exemples d’ébénisterie française du Premier Empire. Tout à fait exceptionnelles, ces œuvres dignes des plus beaux musées ont pu être identifiées grâce à la proposition de vente faite au Garde-meuble de la Couronne à deux reprises par l’ébéniste Levasseur d’abord en 1823, puis en 1826, dans lesquelles il précise qu’ils avaient été « fabriqués il y a environ quinze ans pour le prince de la Paix ». On désigne sous ce nom le célèbre Manuel Godoy (1767-1851), favori du roi d’Espagne Charles IV et amant de la reine, née Marie-Louise de Bourbon-Parme. Godoy gravit tous les échelons à une vitesse étonnante : d’abord titré prince de la Paix en 1795 pour avoir conclu une paix honorable avec la Convention, il épouse en 1797 une petite-fille du roi Philippe V et termine sa carrière en 1807 comme amiral général d’Espagne et des Indes avec le traitement d’Altesse. C’est vraisemblablement avant les événements de Bayonne, qui vit passer la couronne espagnole sur la tête de Joseph Bonaparte, que Godoy commanda ces deux meubles somptueux, car, dès septembre 1808, il était redevenu un simple particulier et il suivit ses souverains dans leur exil, d’abord au château Saint-Joseph près de Marseille, puis à Rome.
Très proches de par leur structure de certaines œuvres de Jacob-Desmalter, comme le secrétaire dit de Bordeaux (musée du Louvre), ces meubles paraissent dater des années 1806-1807. Leurs riches incrustations, inhabituelles dans le mobilier français de cette époque, rappellent certains décors réalisés par Percier et Fontaine pour le marché espagnol, comme les murs du cabinet de platine de la casa del Labrador au palais d’Aranjuez. Il est vraisemblable que l’exil de Godoy empêcha leur livraison et que la commode et le secrétaire aient été conservés dans les ateliers de Levasseur. On sait qu’il tenta vainement de les vendre pour 6 000 F, d’abord en février 1823, puis en mai 1826. Bien que trouvés alors « fort beaux et bien confectionnés », le Garde-meuble trouva leur prix trop élevé et abandonna l’idée de les acquérir. A la fermeture de l’atelier de Levasseur en 1841, ils passèrent en vente et leur véritable origine semble alors déjà perdue : la commande est effet attribuée à la reine Isabelle d’Espagne, alors que la souveraine était née en 1830 et n’avait donc que onze ans au moment de la vente ! A moins qu’il ne s’agisse alors de la seconde épouse de son père Ferdinand VII, la reine Marie-Isabelle, née infante du Portugal (1797-1818).

Photos © Fondation Napoléon – Patrice Maurin-Berthier

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