Bourses d’études 2024
BOURSES PREMIER EMPIRE
De la Révolution française à la fin de la monarchie de Juillet
- Constance MARQ, De l’antique au contemporain : le voyage des architectes anglais en France entre 1802 et 1834. Thèse sous la dir. des profs. Dana Arnold et Jean-Philippe Garric (Université Paris I Panthéon Sorbonne)
Alors que perdure la tradition du Grand Tour en Italie, les premières décennies du XIXe siècle voient se développer un phénomène unique et sans précédent : le voyage des architectes anglais en France. Les raisons de leur traversée se distinguent de leur séjour à Rome où leur objectif réside principalement dans l’étude des édifices antiques. En France, en revanche, les architectes portent leur attention sur toute l’histoire de l’architecture : des antiquités de Nîmes aux monuments voulus par Napoléon, en passant par les cathédrales gothiques, les châteaux de la Renaissance et les places royales du XVIIIe siècle. Cette recherche se propose donc d’étudier la réception de l’architecture française par leurs voisins et « meilleurs ennemis », les Anglais. Un des enjeux consiste à montrer que la France ne représente pas seulement une étape pour rejoindre l’Italie, mais constitue une destination à part entière. Tandis que les séjours à Rome forment souvent une expérience unique, les visites de l’autre côté de la Manche sont multipliées – certains architectes se déplaçant chaque année. Plus encore, un nombre non négligeable d’entre eux n’iront jamais en Italie, préférant observer le patrimoine de leurs voisins. L’autre ambition de cette recherche repose sur l’étude de la spécificité du voyage en France et de son apport pour la formation, la carrière et la culture des architectes anglais. Il s’agit de montrer que ce séjour se distingue par la proximité avec l’Angleterre et par le contexte de rivalité entre les deux nations voisines. Plus largement, cette thèse offre la possibilité de préciser la place de la France dans le paysage européen des circulations internationales et de réévaluer la nature des relations franco-anglaises au XIXe siècle.
- Sophie RECORDIER, Joseph Chinard (1756-1813) : sculpteur lyonnais. Thèse sous la dir. du prof. Barthélémy Jobert (Sorbonne Université)
Joseph Chinard (1756-1813) est un sculpteur lyonnais qui a toujours montré un attachement particulier à sa ville natale. Issu d’une famille de la classe moyenne, il s’initie de manière précoce à la sculpture dans l’atelier de Barthélémy Blaise. Ses premières réalisations prometteuses lui apportent le soutien de mécènes, comme le baron Jean-Marie de Lafont de Juys. Lors d’un premier séjour à Rome, il perfectionne son art en fréquentant l’Accadernia del Nudo et remporte en 1786, le prestigieux prix Balestra, grâce à une composition en terre cuite sur le thème de Persée délivrant Andromède. De retour en France, acquis aux idées révolutionnaires, il réalise plusieurs compositions allégoriques très complexes. Sa notoriété s’impose finalement avec l’avènement du Directoire. Chinard expose au Salon de Paris à partir de 1798 et reçoit des commandes publiques pour de grandes villes. Il obtient la faveur de Napoléon Bonaparte qui lui confie la réalisation de portraits officiels de la famille impériale, mais aussi des décors monumentaux. En 1804, il s’installe à Carrare pour profiter de l’exploitation des carrières de marbre et de la politique artistique menée par Élisa Baciocchi, avant de connaître des démêlés avec la Banca Elisiana. Mais c’est avec les commandes privées, souvent de notables lyonnais, que Chinard fait preuve de la plus grande virtuosité. Aussi habile dans le travail du marbre, comme le prouve son célèbre portrait de Juliette Récamier, que dans celui de la terre avec une abondante production de médaillons et de petits groupes, Joseph Chinard s’impose comme l’un des meilleurs sculpteurs de son temps. Bien que sa production soit abondante, il n’existe aucune véritable analyse critique de son corpus et certaines œuvres lui sont faussement attribuées. Ce travail de recherche se propose donc de considérer la vie et la carrière du sculpteur lyonnais, de définir sa pratique artistique et enfin d’établir un corpus exhaustif de son œuvre.
BOURSE SECOND EMPIRE
De la IIe République au XXe siècle
- Bourse « MINOU AMIR-ASLANI » 2024 : Clément EOCHE-DUVAL, La Garde impériale du Second Empire. Thèse sous la dir. du prof. Éric Anceau (Université de Lorraine)
La Garde impériale de Napoléon III fut officiellement rétablie le 1er mai 1854, 39 ans après la disparition de celle de Napoléon Ier. Dans les deux cas, les missions principales restaient les mêmes : protéger le chef d’État et l’accompagner au combat quand il partait en guerre. Pendant 18 ans, la Garde impériale a donc suivi son empereur et a vu les grands événements politiques et militaires du Second Empire, depuis l’attentat d’Orsini où des lanciers de la Garde sont morts pour sauver Napoléon III, jusqu’à la capitulation de Bazaine à Metz où ce fut avec rage que les soldats brûlèrent leurs étendards pour ne pas les remettre aux Prussiens. Mais le rôle de la Garde impériale ne fut pas que militaire, ce fut à certains égards une vitrine de la France de Napoléon III auprès de la population civile et des diplomates lors de grands événements comme les camps de Chalons ou la réception des diplomates et des personnalités étrangères, à l’exemple du voyage de la Reine Victoria en août 1855. Cette thèse se propose d’étudier la Garde impériale du Second Empire non seulement sous l’angle de l’organisation administrative, d’établir le récit de leur vie quotidienne en temps de paix comme en temps de guerre mais aussi d’établir une étude prosopographique de ses officiers et de ses soldats, car le corps n’a pas échappé à la professionnalisation de l’armée française mise en place par les réformes militaires depuis la loi Gouvion Saint-Cyr de 1818.
► En 2012, la Fondation Napoléon et Me Ardavan Amir-Aslani sont convenus que, pendant cinq ans, une bourse d’études de la Fondation Napoléon porterait le nom de Mme Minou Amir-Aslani. Me Amir-Aslani a depuis décidé de reconduire son soutien.
Minou Amir-Aslani, née à Téhéran le 18 janvier 1935 et décédée à Paris le 13 septembre 2010, fut une grande dame passionnée de littérature et d’histoire. Particulièrement intéressée par l’histoire de la Révolution française et du Premier Empire, elle éprouva un réel intérêt pour la vie de l’Empereur Napoléon Ier et du rôle joué par ce dernier dans la codification des lois et dans l’organisation du système judiciaire français. Née en Iran à un moment déjà trouble de l’histoire de ce pays, elle n’a cessé, tout au long de sa vie, passée principalement en France et en Allemagne, d’œuvrer pour l’ouverture d’esprit et de l’acceptation de l’autre dans sa différence. Admiratrice de l’enseignement de l’histoire et du droit en France, pays de tradition de droit civil qui influença le système judiciaire et le droit positif de son pays d’origine, elle a toujours accordé le plus grand respect à la recherche universitaire. Elle considérait que la seule voie qui valait la peine d’être empruntée était celle de la quête de la connaissance, garante de l’indépendance d’esprit et de la liberté de ceux qui choisissaient de la prendre.
BOURSES XIXe SIÈCLE
- Margherita ACCIARO, « I bimbi d’Italia si chiaman Balilla ». La participation juvénile aux révolutions de 1848 en Italie, entre pratiques, récits et images. Thèse sous la dir. des profs. Gian Luca Fruci et Emmanuel Fureix (Université de Pise, Italie et Université Paris Est-Créteil)
Cette thèse vise à analyser les formes polymorphes de mobilisation de la jeunesse dans les contextes révolutionnaires italiens de 1848-1849. Une saison politique très complexe, qui a néanmoins vu l’implication, pour la première fois dans le contexte de la péninsule italienne, d’enfants et de jeunes de moins de 18 ans. Une présence qui s’articule autour de deux axes thématiques et méthodologiques: les pratiques et les imaginaires. Une étude qui part de la (re)découverte d’archétypes d’enfants déjà caractéristiques de la Révolution américaine et de la Révolution française, tout en introduisant celui, italien et devenu célèbre, de Balilla. La reprise de ces récits ouvre la discussion sur les pratiques de mobilisation insurrectionnelle sur les barricades et institutionnalisée par la formation des unités militaires d’enfants et de jeunes. La documentation archivistique et littéraire révèle clairement l’entrée de la politique dans le foyer, qui devient intelligible même pour les plus jeunes, à travers le dialogue avec les figures parentales, l’école, sans oublier le jeu. Ces pratiques s’accompagnent de la construction d’un imaginaire dans lequel les enfants et les jeunes deviennent les protagonistes de récits héroïques et victimaires, participant à la construction d’un nouveau discours politique. En conclusion, cette thèse vise à utiliser un nouveau prisme d’observation pour analyser le« moment 1848 » d’une nouvelle manière, mais elle entend surtout proposer une réflexion sur la participation politique de l’enfance, qui n’est plus l’apanage du XXe siècle, mais se configure comme un phénomène de longue durée en dialogue pérenne avec des contextes transnationaux.
- Léo BECKA, L’invention scientifique du Nord. Autour des expéditions scientifiques françaises des années 1830. Thèse sous la dir. des profs. Julien Vincent et Jean-Luc Chappey (Université Paris I Panthéon Sorbonne)
La thèse porte sur une série d’expéditions scientifiques organisées par la marine française vers les régions arctiques dans les années 1830. Ces voyages, menés par le naturaliste Paul Gaimard, conduisent des savants et des officiers aux extrémités septentrionales du continent européen : Islande, Groenland, Laponie et Spitzberg. Ils donnent lieu à la création d’une Commission scientifique du Nord, chargée d’étudier les régions boréales dans des domaines aussi variés que la géologie, la botanique, la philologie ou le magnétisme. Dans ce travail, il s’agit d’envisager les voyages comme les révélateurs de la politique étrangère de la France. L’analyse repose sur trois axes : 1. Genèse des voyages de La Recherche et mutations d’un projet scientifique. Dans cet
axe, cette partie présente les enjeux économiques et diplomatiques français dans le Grand Nord de la fin des guerres napoléoniennes à la fin des années 1830. 2. Contraintes, moyens et spécificités d’une présence française dans les régions boréales. Ce volet détaille les moyens déployés par la marine nationale pour rivaliser avec d’autres puissances maritimes, le rôle des savants dans la reconnaissance des identités scandinaves, ainsi que leur implication dans des campagnes internationales d’observation scientifique. 3. Faire reconnaître la France comme puissance boréale. Ce point cherche à démontrer comment les récits de voyage et les collections réunies ont façonné une compréhension de la nature boréale, influençant la culture scientifique et populaire de l’époque.
- Federica MANCINI, Dessin du pouvoir. Démocratisation et diffusion globale des uniformes brodés par l’atelier Picot-Brocard au XIXe siècle. Thèse sous la dir. du prof. Thierry Sarmant (CY Cergy Paris Université)
Ce projet de thèse s’appuie sur la collection de dessins de broderie de la Maison Picot-Brocard, conservée au musée du Louvre. Cet ensemble inédit témoigne de la variété du travail réalisé par la maison, de l’époque napoléonienne au Second Empire, avec une majorité d’études portant sur les broderies destinées aux costumes civils officiels des divers services, administrations et corps de l’État français. Les annotations et les dates inscrites sur ces dessins ont permis également d’identifier une clientèle étrangère notable, composée de gouvernants et diplomates, très intéressée aux tenues civiles officielles confectionnées en France sous le Second Empire. Comme les archives et les dessins relatifs à ces ateliers ont souvent disparu, leur fonctionnement demeure peu connu, ce qui fait de cette thèse une contribution à un domaine encore largement inexploré. Au-delà de l’analyse iconographique de ces feuilles, l’objectif du projet est de préciser, d’une part, le rôle essentiel de la conception dessinée dans la chaîne de production; d’autre part, le but est d’approfondir la place occupée par la Maison Picot-Brocard dans la confection du costume civil officiel au XIXe siècle. Alors que l’engouement pour l’élégance des habits de Napoléon le’ se propage à l’étranger jusqu’à la fin du Second Empire, cette recherche vise à déterminer si la diffusion de ses costumes, tant sur le plan géographique que social, peut être considéré comme un phénomène de diplomatie culturelle, de culture matérielle voire de démocratisation du luxe.
- Adélaïde MARINE-GOUGEON, Des colons en itinérance : stratégies impériales des Blancs créoles de la Martinique au XIXe siècle. Thèse sous la dir. des profs. Jacques-Olivier Boudon et Myriam Cottias (Sorbonne Université)
Cette étude examine la population des Blancs créoles de la Martinique au XIXe siècle et leur rôle pendant la transition de la première à la deuxième phase de l’empire colonial français. L’élite de cette population est composée de propriétaires terriens, d’esclavagistes et d’anciens propriétaires d’esclaves après l’abolition. Ils se définissent aussi par l’exercice de positions de pouvoir et leur quête d’honneurs. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les Blancs créoles de la Martinique ne sont pas isolés sur leur plantation ; ils développent des liens étroits avec la Caraïbe et les Amériques, en particulier les États-Unis. Ils circulent fréquemment vers la métropole, constituant ainsi de véritables familles transatlantiques, et s’insèrent parfois au cœur des cercles de pouvoir parisiens, comme la famille Tascher de la Pagerie. Ces liens avec le cœur du pouvoir sont essentiels pour la défense de leurs intérêts. En outre, certaines familles se déploient dans l’empire colonial français, participant à la conquête et à l’administration de nouveaux territoires colonisés. L’objectif de cette thèse est de montrer comment la mobilité des Blancs créoles a contribué à maintenir leur statut dominant en Martinique, et de mettre en lumière leur rôle dans la colonisation du XIXe siècle en tant qu’héritiers de la première colonisation. Cette étude vise à démontrer la continuité au sein de l’empire colonial français grâce à ces acteurs clés, en adoptant une perspective impériale, et en considérant le point de vue d’une population coloniale.