Bourses d’études 2023
BOURSES PREMIER EMPIRE
De la Révolution française à la fin de la monarchie de Juillet
- Amin BENYOUCEF, Le financement des infrastructures de transport pendant la Révolution française et le Premier Empire. Thèse sous la dir. du prof. Anne Conchon (Université Paris I Panthéon Sorbonne)
Cette thèse de doctorat porte sur le financement des infrastructures de transport (routes, ponts, ports et voies navigables) pendant la Révolution française et le Premier Empire. La démarche répond à une historiographie critique à l’égard de la capacité des États de l’époque moderne à assurer le financement des travaux publics : alors qu’en Angleterre, le développement du financement privé des voies de communication depuis la fin du Moyen Âge aurait accéléré l’essor des systèmes de transport, en France l’emprise de l’État sur le financement des travaux aurait entravé la mise en place d’un dense réseau d’infrastructures. Cette perspective historiographique, sujette à des renouvellements récents, invite à se pencher plus spécifiquement sur le contexte révolutionnaire et impérial. Cadres du développement d’une administration et d’un droit concessionnaire qui furent les instruments des programmes d’aménagement du XIXe siècle, la Révolution et l’Empire constituent un moment décisif de renforcement des prérogatives d’État dans le domaine des communications. L’ambition de ma thèse est donc de mesurer la politique d’investissements en infrastructures de transports des autorités révolutionnaires et impériales. Il s’agit de rendre compte des montants investis et des choix de dépenses réalisés, mais aussi des justifications et des rationalités qui président l’organisation de la politique des transports sous la Révolution et le Premier Empire.
- Yan DEMANGE, Le poids géopolitique du Royaume de Saxe dans la construction de l’Allemagne napoléonienne (1789-1815). Thèse sous la dir. du prof. Jacques-Olivier Boudon (Sorbonne Université)
9 juin 1815, l’Acte final du Congrès de Vienne vient d’être signé, entérinant la fin de l’Europe napoléonienne. La France, défaite après deux décennies de conflits, s’est vue contrainte de céder sur plusieurs fronts, mais a pu préserver le royaume de Saxe d’un démantèlement voulu par la Prusse. Ce choix relève d’une politique diplomatique séculaire, dont Napoléon fut le continuateur. Dirigé par Jacques-Olivier Baudon et en collaboration avec Charles-Éloi Vial, ce travail de recherche souhaite développer les enjeux des relations franco-saxonnes durant l’épisode napoléonien. L’objectif principal est d’apporter une meilleure connaissance à l’histoire diplomatique napoléonienne, qui reste peu étudiée dans un régime majoritairement envisagé sous l’angle de la gloire militaire. Ce projet fait suite à un mémoire de master analysant les relations franco-saxonnes avant Napoléon. Il a révélé que la politique germanique pré-révolutionnaire visait à maintenir un équilibre des pouvoirs dans le Saint-Empire romain germanique, en s’alliant avec des puissances moyennes telles que la Saxe. La Révolution Française a rompu ces relations, qui furent rétablies en 1801 par Napoléon en raison de l’importance stratégique de la Saxe. Cette thèse reprend et poursuit l’étude et l’analyse des relations entre la France et la Saxe à partir d’août 1801 et examinera quel rôle eut cet État dans la construction géopolitique de l’Allemagne napoléonienne jusqu’à 1815. Ce sujet souhaite combler un vide historiographique, car il n’existe que peu de travaux sur les relations franco-saxonnes à l’époque napoléonienne, à l’exception d’une biographie critiquée de Frédéric-Auguste Ier de Saxe datant de 1902 par A. Bonnefons. À cette fin, les documents étudiés seront divers, des publications récentes aux sources primaires indispensables pour notre sujet et parfois inédites, comme les archives diplomatiques françaises et saxonnes, les mémoires des diplomates de l’époque ou encore les lettres de l’Empereur.
- Juliette MILLERON-BESENVAL, L’imprimerie nationale au travail (1793-1830). Thèse sous la dir. du prof. Anne Conchon (Université Paris I Panthéon Sorbonne)
Héritière de l’imprimerie royale, l’Imprimerie nationale voit le jour dans le moment révolutionnaire. Cet établissement entièrement financé, organisé et dirigé par l’État doit servir à imprimer et à diffuser rapidement et efficacement les textes législatifs et les impressions ordonnées par le pouvoir exécutif dans l’ensemble du territoire. Mon objet de recherche est d’étudier les modes d’organisation, les pratiques et les structures de travail au sein des ateliers de l’établissement national, devenue un instrument politique de premier ordre entre les mains des gouvernements successifs entre 1793 et 1830. Alors que l’accélération du temps politique contraint l’imprimerie à produire toujours plus rapidement et en plus grande quantité, cette monographie permet de donner à voir les dispositifs d’encadrement, de surveillance et de contrôle de la main d’œuvre, mais aussi les mécanismes de résistances et les stratégies de négociations mis en œuvre par les ouvriers de l’institution pour agir directement sur l’organisation du travail au sein de ces ateliers nationaux. Entre la persistance et l’attachement à un mode de production artisanal d’excellence propre à « l’Ancien régime typographique », et le développement de structures de travail plus proches de la fabrique concentrée de la période contemporaine (dispositifs de contrôle de la main d’œuvre salariale, concentration, division du travail et introduction progressive de la mécanisation dans les ateliers), l’étude de cas de l’Imprimerie nationale permet de montrer, entre continuités et ruptures, un monde du travail en mutation au tournant du XIXe siècle.
- Pauline TEYSSIER, Encadrer et soigner la folie : une histoire politique, matérielle et sociale de l’hôpital de Charenton (1797-1825). Thèse sous la dir. du prof. Jean-Luc Chappey (Université Paris I Panthéon Sorbonne)
La fin du XVIIIe siècle est une période fondatrice pour la psychiatrie. Pourtant, les pratiques thérapeutiques et les modalités de prise en charge des patients restent encore trop peu connues. L’histoire de la psychiatrie a longtemps été celle de la pensée médicale, écrite à partir des traités théoriques canoniques et des biographies de grandes figures médicales. L’enjeu de cette thèse est de relire ce moment fondateur de la psychiatrie par le biais des acteurs – soignants et malades – et des pratiques thérapeutiques au sein de l’hôpital de Charenton à partir d’un corpus de sources encore jamais mobilisé, les archives financières de l’établissement, depuis sa réouverture en 1797 jusqu’à 1825, année de l’arrivée du médecin Esquirol ouvrant une période mieux connue de l’historiographie. Alors qu’en 1797, le Directoire exécutif décide d’instaurer pour la première fois un financement public partiel de l’hôpital, marquant ainsi le début d’une prise en charge par l’État d’un établissement qui se spécialise dans le traitement de la folie, le premier axe de cette étude vise à mieux comprendre l’évolution des sources de financement de la maison de Charenton. Cette analyse financière permet de mettre en lumière le degré d’engagement politique des différents régimes qui se succèdent, le Premier Empire étant un moment important de consolidation de l’institution. Le deuxième enjeu de cette recherche est de replacer l’expérience des patients et des soignants dans un long processus de médicalisation et de professionnalisation des métiers liés au traitement de la maladie mentale. Enfin, il s’agit de mettre au jour les permanences et les innovations dans les pratiques de soin à partir d’une approche matérielle de la comptabilité. Cette approche « par le bas » de la prise en charge des aliénés permet ainsi de proposer une autre lecture de l’histoire de la psychiatrie à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle.
BOURSE SECOND EMPIRE
De la IIe République au XXe siècle
- Artem USHAKOV, Godefroy Cavaignac : biographie d’une légende républicaine oubliée. Thèse sous la dir. des prof. Jacques-Olivier Boudon et Éric Anceau (Sorbonne Université)
Godefroy Cavaignac (1800-1845) est une de figures principales du mouvement républicain avant 1848. Fils de conventionnel-régicide, il a été tour à tour carbonaro, journaliste et militant actif, combattant des Trois Glorieuses, l’un des chefs de la Société des Amis du Peuple en 1832 et président de la Société des Droits de l’Homme en 1834, rédacteur de La Réforme en 1844-1845. Il est souvent mentionné dans les Mémoires de ses contemporains. Aujourd’hui, il est pourtant presque oublié dans l’historiographie et la mémoire publique. Sa mort prématurée l’exclut du panthéon des révolutionnaires de 1848. La réputation controversée de son frère, le général Eugène Cavaignac, chef du pouvoir exécutif en 1848 et de son neveu-homonyme, ministre républicain antidreyfusard de la Troisième République, est l’une des principales raisons qui ont rendu la figure de Godefroy Cavaignac gênante pour la gauche, mais aussi pour la droite. Zola a par exemple écrit, de façon significative: « Les Cavaignac se suivent mais ne se ressemblent guère ». Pour le moment il n’y pas d’histoire scientifique de sa vie, malgré l’abondance des ouvrages sur les personnalités politiques de l’époque des monarchies censitaires. Le but de cette thèse est d’écrire la première biographie complète de Godefroy Cavaignac en étudiant simultanément les causes de l’ascension du républicanisme français après la chute de Napoléon. La vie et l’activité d’un militant hors le parlement apparaît aussi comme un angle nouveau pour mettre en lumière les nuances négligées de l’histoire politique, culturelle et sociale de la première moitié du XIXe siècle.
BOURSES XIXe SIÈCLE
- Bourse « MINOU AMIR-ASLANI » 2023 : Chloé CHATRIAN, Les enfants combattants dans les armées françaises au XIXe siècle : expériences et représentations. Thèse sous la dir. du prof Anne-Emmanuelle Demartini (Université Paris I Panthéon Sorbonne)
Inscrite dans l’essor récent de l’histoire de l’enfance et dans une histoire militaire renouvelée, interrogée sous l’angle des représentations et des sensibilités, cette recherche est consacrée aux enfants combattants dans les armées françaises, de la Révolution française au début de la Troisième République. Il s’agira d’abord de cerner cette présence enfantine dans les armées et de comprendre les conditions de possibilité et les significations de l’engagement enfantin, puis de retracer les expériences des enfants au cœur des conflits armés, en les confrontant aux représentations de l’enfance et de la guerre. Comment la présence d’enfants dans les opérations militaires, qui semble aller de soi à la fin du XVIIIe siècle, devient progressivement intolérable au cours du XIXe siècle ? C’est cette évolution qu’il s’agira d’éclairer, significative d’une mutation profonde à la fois dans le rapport à l’enfance et dans l’appréhension de la guerre et de l’armée. Le 7 thermidor an VIII (26 juillet 1800), Napoléon Bonaparte s’empare de la question des enfants présents dans ses troupes: l’arrêté relatif aux enfants de troupe réglemente la présence enfantine sous les drapeaux. Cependant, il ne s’agit pas d’éliminer les enfants des armées: sous le Second Empire encore le phénomène subsiste, tant et si bien qu’il est décidé en 1923 d’attribuer une médaille à tous les enfants ayant combattu pendant la guerre de 1870. L’étude de la figure de l’enfant combattant permettra de mieux connaitre la composition sociologique des troupes et elle est éclairera la relation entre armée et nation sous les régimes napoléoniens.
► En 2012, la Fondation Napoléon et Me Ardavan Amir-Aslani sont convenus que, pendant cinq ans, une bourse d’études de la Fondation Napoléon porterait le nom de Mme Minou Amir-Aslani. Me Amir-Aslani a depuis décidé de reconduire son soutien.
Minou Amir-Aslani, née à Téhéran le 18 janvier 1935 et décédée à Paris le 13 septembre 2010, fut une grande dame passionnée de littérature et d’histoire. Particulièrement intéressée par l’histoire de la Révolution française et du Premier Empire, elle éprouva un réel intérêt pour la vie de l’Empereur Napoléon Ier et du rôle joué par ce dernier dans la codification des lois et dans l’organisation du système judiciaire français. Née en Iran à un moment déjà trouble de l’histoire de ce pays, elle n’a cessé, tout au long de sa vie, passée principalement en France et en Allemagne, d’œuvrer pour l’ouverture d’esprit et de l’acceptation de l’autre dans sa différence. Admiratrice de l’enseignement de l’histoire et du droit en France, pays de tradition de droit civil qui influença le système judiciaire et le droit positif de son pays d’origine, elle a toujours accordé le plus grand respect à la recherche universitaire. Elle considérait que la seule voie qui valait la peine d’être empruntée était celle de la quête de la connaissance, garante de l’indépendance d’esprit et de la liberté de ceux qui choisissaient de la prendre.
- Baptiste DUMAS-PIRO, Le comte de Rambuteau, préfet de la Seine, et le patrimoine parisien (1833-1848): les ambitions d’une politique édilitaire à l’échelle de la capitale. Thèse sous la dir. du prof Barthélémy Jobert (Sorbonne Université)
Le comte de Rambuteau, préfet de la Seine de 1833 à 1848, fut une figure emblématique de du Paris de la monarchie de Juillet. Véritable trait d’union entre le pouvoir royal et les Parisiens, il sut accompagner les transformations de la capitale française à une époque marquée par la consolidation de structures administratives organisées, indépendantes et pérennes. Il s’agit de ce fait de questionner un « avant Haussmann », entre volonté de faire de Paris une ville moderne et celle d’en préserver certaines composantes anciennes. Analyser la ville dans son entièreté – ses rues et avenues, son mobilier urbain, ses monuments et les œuvres qu’ils abritent – permet de définir les grands principes qui motivèrent l’action de Rambuteau. Interroger, en les recomposant, les réseaux de sociabilité dans lesquels s’inscrivirent le préfet et ses proches collaborateurs se justifie dans la mesure où les chantiers et les commandes résultaient d’interactions avec d’autres administrations, des politiques et des artistes. « Modèle » ou « repoussoir », le Paris de Rambuteau permet également d’établir des comparaisons avec d’autres capitales européennes en pleine mutation. Il s’agit de mener une étude sur la place qu’a véritablement occupée la capitale française sur la scène internationale, notamment par une remise en question de l’image fantasmée d’un Paris ville lumière. C’est donc la politique édilitaire et artistique de Rambuteau qui est interrogée en embrassant la totalité des réalisations des décennies 1830 et 1840.