Bourses d’études 2022

BOURSES PREMIER EMPIRE
De la Révolution française à la fin de la monarchie de Juillet

  • Shandiva Banerjee, La police des Noirs. Administrer les gens de couleur en France métropolitaine (1777-1848). Thèse sous la dir. du prof. Vincent Denis (Université Paris I Panthéon Sorbonne)

A l’époque napoléonienne, le rétablissement de l’esclavage dans les colonies est également accompagné par le retour des mesures de contrôle des individus dits « de couleur » en France métropolitaine. Ces individus, issus des colonies françaises des Antilles, d’Amérique et de l’océan Indien, se voient interdire l’accès au territoire métropolitain, reprenant par de nombreux aspects la législation d’ Ancien régime mise en place par la « déclaration pour la police des Noirs » de 1777. Mais dans le contexte politique bouleversé par une décennie révolutionnaire, tant en métropole que dans la colonie dominguoise, ces mesures prennent un double caractère impérial. La thèse en préparation a pour objectif d’examiner comment le Premier Empire est aussi celui de la création d’un nouvel empire colonial, qui redéfinit la métropole par l’exclusion d’un groupe ciblé. Cela devient possible grâce à l’élaboration de nouvelles techniques administratives et policières de surveillance et d’encadrement des populations.
Cette thèse se fonde. sur l’étude méthodique des archives portuaires du Havre, de Bordeaux, ainsi que Nantes, La Rochelle, Rochefort, Cherbourg et Marseille. L’aspect novateur de cette recherche repose sur son inscription dans le temps long. En partant de l’Ancien régime pour aboutir à la Seconde République, il sera possible de décortiquer finement les étapes de cette construction impériale, et la place que le contrôle des individus issus des colonies en métropole a jouée dans celle-ci.

  • Bourse « MINOU AMIR-ASLANI » 2022 : Pauline Tekatlian, Les hôtels particuliers parisiens des Bonaparte du Directoire à l’Empire, entre continuités et réinventions des résidences nobiliaires de l’Ancien Régime. Thèse sous la dir. du prof. Jean-Philippe Garric (Université Paris I Panthéon Sorbonne)

Beauharnais, Bonaparte, Borghèse, Fesch ou encore Murat, autant de prestigieux noms qui ont traversé l’histoire et sont restés attachés aux plus beaux hôtels particuliers de Paris. Que seraient devenus ces hôtels, abandonnés ou transformés après la Révolution française, sans l’intervention de la famille du Premier consul et futur Empereur de France ? Dès son installation à Paris, la famille Bonaparte jette son dévolu sur des demeures aristocratiques dont les transformations, au rythme de son ascension sociale, révèlent le retour d’une société de cour. Nombre d’entre eux vont, dans ces écrins luxueux, affirmer leur position et cultiver leur goût pour les collections d’œuvres d’art.
L’étude de ces hôtels, qui permet d’entrer dans l’intimité de la famille Bonaparte, a pour objectif de mieux comprendre comment elle a favorisé le renouvellement des pratiques aristocratiques et son incidence sur les modalités de production architecturale et artistique. Si l’impact du règne de Napoléon 1er sur le bâti parisien privé a souvent été éclipsé au profit des recherches sur les palais impériaux et les travaux d’aménagement urbain qu’il a menés, son influence est sensible à Paris et le sera tout autant en Europe, favorisée par la diaspora de la maison Bonaparte sur le vieux continent au cours du XIXe siècle.

► En 2012, la Fondation Napoléon et Me Ardavan Amir-Aslani sont convenus que, pendant cinq ans, une bourse d’études de la Fondation Napoléon porterait le nom de Mme Minou Amir-Aslani. Me Amir-Aslani a depuis décidé de reconduire son soutien.
Minou Amir-Aslani, née à Téhéran le 18 janvier 1935 et décédée à Paris le 13 septembre 2010, fut une grande dame passionnée de littérature et d’histoire. Particulièrement intéressée par l’histoire de la Révolution française et du Premier Empire, elle éprouva un réel intérêt pour la vie de l’Empereur Napoléon Ier et du rôle joué par ce dernier dans la codification des lois et dans l’organisation du système judiciaire français. Née en Iran à un moment déjà trouble de l’histoire de ce pays, elle n’a cessé, tout au long de sa vie, passée principalement en France et en Allemagne, d’œuvrer pour l’ouverture d’esprit et de l’acceptation de l’autre dans sa différence. Admiratrice de l’enseignement de l’histoire et du droit en France, pays de tradition de droit civil qui influença le système judiciaire et le droit positif de son pays d’origine, elle a toujours accordé le plus grand respect à la recherche universitaire. Elle considérait que la seule voie qui valait la peine d’être empruntée était celle de la quête de la connaissance, garante de l’indépendance d’esprit et de la liberté de ceux qui choisissaient de la prendre.

BOURSES SECOND EMPIRE
De la IIe République au XXe siècle

  • Pauline Guyot, Collections et intérieurs du demi-monde au XIXᵉ siècle, culture matérielle d’une ambition sociale. Thèse sous la dir. du prof. Bertrand Tillier (Université Paris I Panthéon Sorbonne)

«Demi-monde», «courtisanes», « grandes horizontales», «lionnes», «biches» ou« cocottes », l’ampleur du lexique qualifiant la galanterie au XIXe siècle témoigne de l’importance prise par ces femmes dans la société contemporaine. Elles forment un groupe social à l’identité affirmée, mais aux contours flous et occupent, dès le milieu du XIXe siècle, une place de premier plan dans la société parisienne. Plus encore que de mettre en lumière des personnalités et des parcours, l’ambition de cette recherche est d’éclairer la constitution d’un intérieur féminin du demi-monde et le rapport entretenu à la collection, puisque ces femmes semblent s’insérer parfaitement dans ce que Rémy Saisselin nomme « l’espace ambigu où se rejoignent l’amour de la possession, l’amour de l’art et l’ambition sociale* ». En gardant à l’esprit qu’elles jouissent d’une grande indépendance financière et sont marquées par une forte marginalité, il s’agit d’interroger le rôle de l’objet dans la construction sociale et l’identité de la demi-mondaine de sa mise en scène dans l’hôtel particulier jusqu’à sa vente ou son legs. Autrement dit, à la frontière entre histoire sociale, histoire culturelle, histoire des collections et histoire de la culture matérielle, ce travail explore la manière dont les demi-mondaines investissent l’objet et comment la consommation, la collection et la constitution d’un intérieur participent à l’image d’un groupe social déterminé- le demi-monde-dans la société du second XIXe siècle.

* R. Saisselin, Le Bourgeois et le bibelot, Paris, Albin Michel, 1990, p. 15.

  • Elsa Jamet, Au cœur du système haussmannien : Henri Blondel (1821-1897), architecte, entrepreneur et financier. Thèse sous la dir. du prof. Jean-Baptiste Minnaert (Sorbonne Université)

Entre le Second Empire et la IIIe République, l’architecte-entrepreneur-financier, Henri Blondel (1821-1897), fut l’un des plus actifs dans les grands travaux parisiens. Il s’illustra, en particulier, dans la construction de plus de 172 maisons de rapport, de l’hôtel Continental, du magasin de la Belle Jardinière, ou encore de la Bourse de commerce. Blondel ne fut pas seulement un architecte il fut également un entrepreneur qui agit pour le compte de sociétés immobilières à différents travaux publics dont l’aménagement de quartier et le percement de voies, en France, en Belgique ainsi qu’au Panama et au Brésil. Ses affaires furent favorisées grâce à un solide réseau constitué d’administrateurs, de banquiers et d’hommes politiques. Parmi eux se trouvait Georges-Eugène Haussmann (1809-1891), préfet de la Seine entre 1853 et 1870, et Armand Donon (1818-1902), banquier et proche du duc de Morny ( 1811-1865). Après avoir spéculé et pris part dans de nombreuses sociétés immobilières, financières ou compagnies d’assurances, il fut déclaré en état de liquidation, puis en faillite. Son passif, qui atteignit plus de 32 millions de francs, était principalement constitué des impayés du chantier de la Bourse de commerce. À la croisée de l’histoire de l’architecture, de l’histoire urbaine, de l’histoire économique et sociale, cette thèse entend étudier l’activité d’un architecte-entrepreneur et éclairer les grands travaux haussmanniens, ses hommes et ses pratiques.

  • Lucie Prohin, Exposer l’habitat ouvrier en Europe : le développement d’une culture architecturale transnationale (1851-1913). Thèse sous la dir. du prof. Jean-Philippe Garric (Université Paris I Panthéon Sorbonne)

Au ·cours de la seconde moitié du long XIXe siècle, la question de l’habitat ouvrier s’affirme progressivement comme un sujet prégnant au sein des nombreuses expositions universelles et internationales qui rythment cette période en Europe. Projets et réalisations d’habitations ouvrières y sont exposés par le biais de dispositifs variés, et ces événements donnent également lieu à l’édification de logements pérennes. La littérature sur la question sociale connaît en outre des développements marquants à l’occasion de ces expositions, qui entretiennent des rapports étroits avec d’autres événements internationaux, au premier rang desquels les congrès. Si l’historiographie récente a souligné l’importance de ces derniers dans les transferts théoriques relatifs à l’habitat ouvrier, le rôle des expositions n’a encore jamais fait l’objet d’une étude approfondie. Notre thèse se propose donc d’analyser les multiples façons dont ces événements se sont saisis de cette question, et d’étudier les circulations transnationales d’idées et de modèles auxquelles ils ont donné lieu. Il s’agit de mettre en évidence la construction d’un ensemble de références architecturales propre au domaine de l’habitat ouvrier, le développement de réseaux d’acteurs, mais également l’évolution des stratégies expositionnaires de ces protagonistes au cours d’une période marquée par des bouleversements politiques majeurs. Située à l’intersection de plusieurs champs d’étude jusqu’ici trop rarement rapprochés, notre thèse ambitionne ainsi de contribuer à un renouvellement de l’histoire globale et connectée de l’habitat ouvrier, tout en enrichissant les connaissances actuelles sur les expositions internationales – événements éphémères ayant pourtant eu des effets durables sur le champ architectural et les cadres de vie des populations ouvrières.

 

BOURSES XIXe SIÈCLE

  • Abdelhamid Drira, Albert de Biberstein Kazimirski (1808-1887) : Fleuron de l’orientalisme franco-polonais. Thèse sous la dir. du prof. Jacques-Olivier Boudon (Sorbonne Université)

La thèse présente Albert de Biberstein Kazimirski (1808-1887) à travers trois prismes: l’exilé polonais, l’orientaliste et le diplomate. L’enquête se base sur une multitude de sources réunies à travers une dizaine de pays en Europe. Kazimirski est un patriote polonais acteur de !’Insurrection de 1830-31. Il étudia les langues orientales en Pologne, en Allemagne et en France. Spécialiste de la Perse, il fut drogman de l’ambassade française en Iran en 1839-40. Il fit une carrière diplomatique respectable avec trente-six années de services au sein du ministère des Affaires étrangères en tant qu’interprète persan et agent de liaison officieux avec !’Hôtel Lambert. Il se démarqua sous le règne de Napoléon III, notamment durant la guerre de Crimée et à l’occasion du Traité de paix de 1857 entre l’Angleterre et la Perse.
Il fut fait officier de la Légion d’honneur, et était consulté par les Princes Czartoryski. Auteur de la plus populaire des traductions francophones du Coran et du premier dictionnaire arabe français, il est un arabisant de référence jusqu’aujourd’hui. La découverte de la vie et de l’œuvre de cet homme est associée à l’exploration de certains aspects peu exploités des rapports entre l’Orient et l’Occident au XIXe siècle. Ainsi, cette recherche propose la première étude globale des linguistes polonais du ministère des Affaires étrangères à travers le monde au XIXe siècle. De plus, une synthèse nouvelle de l’histoire et des spécificités de l’orientalisme polonais en Europe est présentée, permettant de pleinement apprécier Kazimirski comme un fleuron de l’orientalisme franco-polonais.

  • Bettina Frederking, La France coupable ? La Restauration ou « l’impossible oubli ». Thèse sous la dir. du prof. Patrice Gueniffey (EHESS)

Lors de la restauration de la monarchie en 1814, Louis XVIII dut faire face à un défi de taille: Quelles stratégies adopter pour gouverner la France et réconcilier les Français, alors que chacun des régimes établis depuis 1789 avait laissé des partisans et des adversaires, des vainqueurs et des vaincus, avec leurs souvenirs, intérêts, opinions et passions ? Comment relégitimer la monarchie, alors que le dernier roi avait été condamné à mort et exécuté par la représentation nationale ?
Cette thèse analyse le débat de la Restauration sur le procès de Louis XVI. Qui est responsable, voire «coupable» de l’exécution de Louis XVI: La France, qui n’avait pas sauvé le roi en empêchant son exécution ? La nation, qui avait élu la Convention ? La Convention dans sa totalité, ou seulement les conventionnels régicides ? Fallait-il ou non exclure les régicides définitivement de la communauté nationale, d’autant plus que certains avaient trahi Louis XVIII lors du retour de Napoléon en 1815 ?
Le débat sur le procès de Louis XVI permet d’analyser les différentes stratégies mises en œuvre pour gérer l’héritage révolutionnaire et impérial – oubli, pardon, commémoration, réparation, punition, expiation. L’enjeu du débat n’était pas seulement de donner un sens au passé récent, mais également de définir la place que devait occuper chacun sous la monarchie restaurée. A travers la mémoire du procès de Louis XVI sous la Restauration, il s’agit également de s’interroger sur l’écriture de l’histoire immédiate et de comprendre comment les plus farouches adversaires de la Révolution ont pu contribuer à construire et raviver sa mémoire, parfois même en reprenant ses méthodes.

Mise en ligne : 9 novembre 2022