Bourses d’études 2020

BOURSES PREMIER EMPIRE
De la Révolution française à la fin de la monarchie de Juillet

  • Pierre Coffy, Construire une capitale. Le laboratoire milanais dans l’Europe des révolutions et de l’Empire (1796-1814). Thèse sous la dir. des prof. Jean-Philippe GARRIC et Antonio de FRANCESCO (Université de Paris-I Panthéon-Sorbonne, Université de Milan – Italie)

Cette recherche concerne les transformations physiques de Milan à l’occasion de son accession au statut privilégié de capitale durant l’épopée napoléonienne en Italie. Tour à tour à la tête des Républiques Cisalpine et Italienne, puis du Royaume d’Italie dont Napoléon est souverain, sa nouvelle position de « capitale napoléonienne » réclame un ambitieux programme d’aménagement sur le plan urbain et architectural. Si la domination française détermine fortement la métamorphose avant tout symbolique de la ville, elle ne rompt cependant pas avec la continuité des coutumes des territoires italiens qui constituent son aire d’influence, ni avec l’héritage des Habsbourg. Les nouvelles autorités récupèrent en effet les idées et les pratiques en cours en impliquant les hommes qui les incarnent dans l’élaboration d’une politique culturelle cohérente pour la construction de la capitale, notamment marquée par la refondation de l’Académie de Brera et la création de la Commissione d’Ornato. Les projets entrepris deviennent alors de véritables outils de communication politique, tant à travers l’équipement pragmatique de la ville, que par la construction de nombreux monuments marquant symboliquement son espace public. Ce mouvement s’inscrit en définitive dans un univers idéologique inédit entre la Révolution et l’Empire, qui suscite l’enthousiasme d’une nouvelle génération. Milan se mue ainsi à l’aube du XIXème siècle en laboratoire de la modernité dans une Europe en pleine ébullition, sous le regard attentif du vice-roi Eugène de Beauharnais et de Napoléon.

  • Maxime Delbarre, Les réfugiés polonais en France du Directoire au Consulat (1795-1804). Thèse sous la dir. du prof. Natalia MUCHNIK  (EHESS)

Du démembrement de la république des Deux Nations en 1795 à la chute du régime impérial en 1815, les Polonais semblent toujours se trouver aux côtés des Français. Du Caire au franchissement de la Bérézina, des cols de Somosierra aux forêts tropicales de Saint-Domingue, l’apport des Polonais aux guerres de la révolution et de l’Empire est reconnu.
Pourtant, les conditions de l’accueil réservé à ces réfugiés au sein de la France du Directoire ainsi que les moyens déployés par cette communauté pour que subsiste un espoir de renaissance nationale n’ont pas fait l’objet de recherches approfondies de la part de l’historiographie française depuis le début du siècle dernier. En gagnant progressivement l’appui de nombreuses personnalités françaises de premier plan, ces réfugiés cherchaient à constituer un véritable réseau d’acteurs en faveur de la cause polonaise. A! ‘échelle interne à cette communauté, les divergences politiques paraissent néanmoins éclater au grand jour à Paris entre partisans des recours diplomatiques ou militaires, voire insurrectionnels.
En s’appuyant notamment sur les archives du contrôle territorial, sur l’étude d’éléments de correspondances privées inexploitées et sur les méthodes propres à la prosopographie, cette thèse vise également à apporter un autre regard sur l’évolution de la politique extérieure directoriale, puis consulaire, à travers le prisme fascinant des relations franco-polonaises au tournant des XVIIIe et XIXe siècles.

  • Alain Rahier, Prisons pour militaires ou militaires en prison ? La justice militaire et ses détenus sous le Premier Empire (1804-1814). Thèse sous la dir. des prof. Xavier ROUSSEAUX & Jacques-Olivier BOUDON (Université catholique de Louvain – Belgique, Sorbonne Université)

L’objectif de cette recherche est de comprendre le fonctionnement des prisons militaires sous le Premier Empire, établissements destinés à accueillir les militaires suspectés d’indiscipline ainsi que ceux accusés et condamnés par les conseils de guerre. Ces établissements sont des bâtiments destinés à retenir des individus, éventuellement mis au travail, et les bagnes, explicitement dédiés au travail forcé. En étendant progressivement son emprise sur une grande partie du continent européen, Napoléon a exporté le modèle administratif français, ce qui a entraîné des rapprochements administratifs et juridiques entre les différentes parties de l’Empire. L’armée, pilier de la stratégie impériale, est alimentée par la conscription, ce qui suscite de nombreuses résistances. L’étude de ce fonctionnement articulerait le niveau central, pour déterminer ce que les hauts fonctionnaires et les hauts gradés attendaient de ces établissements et quels moyens humains et financiers ils leur ont octroyés, au niveau local, pour évaluer les pratiques et accommodements mis en œuvre. Ce niveau local serait représenté par différents« types» d’établissements pénitentiaires : les bagnes d’Anvers et de Toulon qui accueillent des condamnés au boulet aussi bien civils que militaires, la prison militaire de Tarascon réservée aux seuls militaires, l’établissement pénitentiaire de Vilvorde et une prison civile d’arrondissement à travers ses« passagers militaires ». Les prisonniers eux-mêmes seraient étudiés sous forme de cohortes, composées de détenus issus de l’ensemble de l’Empire, afin de dégager les structures de gestion de ces détenus et d’évaluer les échanges culturels des conscrits.

  • Dossier sélectionné dans le cadre du partenariat entre la Fondation Napoléon et l’Académie des Sciences de Russie : Victoria Verchenkova, L’affrontement entre la France et l’Angleterre en Méditerranée occidentale en 1793-1802. Thèse sous la dir. du prof. Alexandre V. TCHOUDINOV (État Académique de l’Université pour les sciences humaines)

La thèse est consacrée à la rivalité géopolitique entre la France et la Grande­-Bretagne dans la Méditerranée occidentale pendant la Révolution française et les premières années de l’ère napoléonienne.
Leur rivalité est surtout intéressante pour les chercheurs à cause de l’asymétrie marquée dans les capacités militaires des partis impliqués: la France avait un avantage dans les opérations de terre, la Grande-Bretagne était dominante en mer. À cause de cela, les deux côtés ont recouru aux méthodes de l’impact indirecte sur l’ennemi en provoquant des formes variées de protestation sociale sur le territoire ennemi et en utilisant des proxy-formations contre l’adversaire.
La confrontation globale entre la France et la Grande-Bretagne projetée sur la région de la Méditerranée occidentale a prouvé un catalyseur puissant pour les mouvements révolutionnaires et contre-révolutionnaires régionaux. Cependant Toulon, Corse, Italie et Malte étaient non seulement un stade statique de la confrontation entre les deux grands pouvoirs, et les habitants de la région n’étaient pas des spectateurs passifs, ils étaient des participants actifs qui avaient une influence visible sur le cours des choses. La recherche du rôle de tous les facteurs externes et intérieurs lors du jeu dans la Méditerranée occidentale et l’évaluation de leur influence sur le résultat de la lutte entre la Grande-Bretagne et la France est le but principal de cette thèse.

BOURSE SECOND EMPIRE
De la IIe République au XXe siècle

  • Audrey Denis-Bosio, L’Archéologie nationale de Napoléon III, une institution au service du pays et de son histoire : innovation et développement de l’archéologie sous le Second Empire. Thèse sous la dir. du prof. Éric ANCEAU (Sorbonne Université)

Cette thèse s’attachera à présenter, telle une monographie, les découvertes et les innovations liées à l’archéologie sous le Second Empire, un domaine en évolution majeure. Le propos s’intéressera à l’intérêt porté à l’étude de la Guerre des Gaules et à l’époque gallo-romaine dans sa généralité en France, notamment à travers l’archéologie. Les techniques archéologiques ainsi que les innovations de l’époque doivent compléter les découvertes faites sur les sites au niveau national. Plusieurs domaines s’y rassemblent comme l’histoire, les arts, le militaire ou encore le social. Ainsi, beaucoup d’hommes et proches de l’Empire s’y retrouvent et développent l’archéologie. Cette vision archéologique s’attache avant tout au domaine politique car elle est surtout conduite par l’empereur: Napoléon m. L’empereur ayant pour passion l’archéologie, ambitionne de rédiger }’Histoire de Jules César. Il demande à ce que ce domaine se mêlent aux autres comme la culture ou le progrès industriel et technologique du Second Empire. Mais l’archéologie aide surtout à la rédaction et à la complétude de l’œuvre mais aussi au projet politique de l’ Archéologie Nationale, où l’Empire entier se regroupe autour de la Gaule et de l’archéologie grâce aux musées nationaux et locaux et aux sites archéologiques.

  • Maxime Michelet, L’Assemblée nationale législative (1849-1851). Thèse sous la dir. du prof. Éric ANCEAU (Sorbonne Université)

L’Assemblée nationale législative – chambre législative ordinaire prévue par le reg1me constitutionnel du 4 novembre 1848 – connut une existence brève et tumultueuse, de sa première réunion le 28 mai 1849 à sa dissolution anticonstitutionnelle lors du coup d’Etat du 2 décembre 1851. Perçue à travers des biais historiographiques très négatifs, cette assemblée est pourtant l’enceinte d’événements, de débats, d’initiatives, de résistances et de spécificités particulièrement intéressants, synthétisant des polémiques antérieures et posant des jalons déterminants pour l’avenir. Elle s’affirme comme un objet d’étude historique majeur qui mérite légitimement d’être étudié pour lui-même, notamment à travers des sources importantes et pour certaines inédites.
Cherchant à dépasser les lectures moralisantes d’une chambre dépeinte comme forcèment hypocrite et affreusement réactionnaire, étudier l’Assemblée nationale législative doit amener à s’interroger sur la réalité, les fondements et les conséquences, d’une politique conservatrice menée dans le cadre d’un régime constitutionnel républicain. Se pose notamment la passionnante question de savoir si la majorité monarchiste issue des élections législatives du 13 mai aurait pu fonder la République à Droite, sous une forme conservatrice. N’y-a-t-il pas ainsi, au sein de l’Assemblée législative de 1849, la première esquisse – totalement avortée – d’une Droite républicaine ?
L’étude des courants et des idées politiques qui agitent cette tumultueuse chambre parlementaire est au coeur de cette thèse qui cherchera entre autres à retracer le destin des républicains modérés, ces vainqueurs d’avril 1848 balayés en mai 1849, ou encore à affiner la compréhension des deux blocs ennemis que sont la Montagne républicaine et les conservateurs du Parti de l’Ordre pour mieux souligner leur nature de coalitions hautement complexes.
En étudiant la production législative, la composition politique et les profils individuels des plus de 800 hommes appelés à siéger dans cette chambre, mais aussi en essayant de renouveler l’étude d’un fonctionnement constitutionnel trop souvent décrit comme ubuesque et condamné à un fatal effondrement final, que ce soit en renouvelant le regard porté sur le conflit entre la chambre et le président ou en redonnant toute son importance à une Assemblée monocamérale placée au centre des institutions nouvelles, il s’agira de mieux comprendre l’Assemblée nationale législative pour mieux comprendre l’intensité et l’originalité de l’expérience républicaine de ces années 1849 -1851 : mieux comprendre cette République de l’Assemblée nationale législative.

BOURSES XIXe SIÈCLE

  • Claire Dupin de Beyssat, Les peintres de Salon et le succès. Réputations, carrières et reconnaissance artistiques après 1848. Thèse sous la dir. du prof. France NERLICH (Université de Tours)

Qui sont les peintres les plus distingués, les plus célébrés, les plus réputés au Salon sous le Second Empire et les débuts de la Troisième République ? À de rares exceptions près, telles que Bouguereau, Carolus-Duran ou Millet, ceux qui reçoivent à l’ Exposition de peinture et de sculpture les récompenses du jury et les compliments de la critique sont aujourd’hui majoritairement oubliés. En interrogeant la notion de « succès artistique », cette thèse se propose d’enrichir les connaissances sur les parcours des peintres de Salon ainsi que sur leur production artistique, encore largement méconnue voire méprisée par l’histoire de l’art. En documentant la biographie et l’œuvre des 619 peintres récompensés au Salon entre 1848 et 1880, et en reconstituant surtout les conditions de leur réception, cette thèse participe en outre d’une histoire institutionnelle et sociale de l’art après 1848. Un important travail dans les archives ainsi qu’un dépouillement précis de plus de 300 comptes rendus de Salon permettent dès lors de caractériser les prérogatives des institutions artistiques contemporaines – administration et Académie des beaux-arts, mais aussi critiques et marchands d’art -, tout autant que leur autorité et leur influence sur les carrières des peintres. Plus largement, cette thèse a pour but d’examiner les réputations et les valeurs qui structurent, après 1848, le système artistique, en analysant via des études de cas précises et des traitements statistiques les modalités de la reconnaissance artistique dans la seconde moitié du XIXe siècle, et en interrogeant alors les appellations convenues de l’histoire de l’art de cette période, à commencer par celle d’ «académisme».

  • Baptiste Roger-Lacan, Lire et écrire contre la Révolution (vers 1900-vers 1945). Thèse sous la dir. des prof. Frédéric MONIER & Pierre SERNA  (Université d’Avignon, Université de Paris-I Panthéon-Sorbonne)

Cette thèse porte sur l’importance et le succès de la production éditoriale contre­révolutionnaire en français dans la première moitié du XXe siècle. Elle étudie les divers réseaux qui ont alimenté, propagé et soutenu le succès de représentations contre-révolutionnaires face aux matrices narratives républicaines. Dans ce contexte, la figure de Napoléon est un enjeu de débat, entre exaltation nationaliste de la gloire impériale et rejet d’un homme présenté comme un enfant des Lumières ou un révolutionnaire couronné.
Si les auteurs des milliers d’œuvres de notre corpus se désignaient comme des contre­révolutionnaires, nous nous référons aussi à la catégorie historiographique des anti-Lumières. Elle intègre en effet l’ensemble des courants politiques et intellectuels qui, du catholicisme conservateur aux extrêmes droites, ont rejeté la Révolution et entretenu un rapport ambivalent à l’Empire. Si on a constaté depuis longtemps le succès de leurs publications au début du XXe siècle, notre doctorat entend en saisir les ressorts en s’attachant à trois moments : la production d’une littérature abondante, sa diffusion grâce à des réseaux organisés et sa réception par les publics ciblés. La période dans laquelle s’inscrit cette recherche va de 1908, au moment de la fondation de l’Action française quotidienne, à l’écroulement du régime de Vichy en 1945. Les deux Guerres mondiales, la révolution de 1917 et la crise des années 1930 autant que les ruptures internes aux droites scandent les évolutions de ce champ éditorial dans un espace francophone qui dépasse le seul pôle éditorial parisien.
Pour constituer ce corpus, nous avons recours aux méthodes de bibliométrie en recensant dans les revues et journaux réactionnaires l’ensemble des livres qui traitent de la Révolution. À cela s’ajoute l’étude des institutions (Église, écoles libres, presse) qui promeuvent cette vision contre-révolutionnaire. Enfin, les archives privées et mémoires de contemporains issus du lectorat ciblé permettent de mesurer la réception de ces mythologies et la constitution d’imaginaires historiques et politiques marqués par ces représentations.

18 novembre 2020