Bourses d’études 2019
BOURSES PREMIER EMPIRE
De la Révolution française à la fin de la monarchie de Juillet
- Maximilien NOVAK, Napoléon et l’Empire des Lettres. Journalistes, historiens, espions : l’Administration de l’opinion publique du Consulat à l’Empire (1799-1815). Thèse sous la dir. des prof. Robert MORISSEY et prof. Antoine LILTI (Université de Chicago – USA EHESS)
« Cette thèse se propose d’étudier l’évolution de l’écriture de l’histoire et le contrôle de l’opinion publique dans la transition entre Révolution française et Empire, sous le règne de Napoléon Bonaparte. Nous tenterons de voir comment la politique et l’administration de l’Empire témoignent chez Napoléon, au-delà d’une simple connaissance ou d’un intérêt pour l’histoire, d’une manière d’écrire l’histoire à travers la propagande, la censure, le contrôle des journaux et l’opinion publique afin d’assurer la continuité historique et la pérennité de l’État français dans un projet de fusion historique. Ceci par le biais d’une administration« intellectuelle» composée de correspondants secrets d’opinion publique, d’historiens du pouvoir, de journalistes et propriétaires de journaux, de hauts fonctionnaires de Police et de la diplomatie, de bibliothécaires et archivistes, et de censeurs. Cette orientation du discours historique sous l’Empire vise à réactualiser des modèles passés, et surtout à montrer une continuité de la politique, entre les figures du passé, et les décisions du présent. Dans cette filiation historique, la notion d’opinion publique apparaît comme une notion centrale de la légitimité politique, héritée de la Révolution. Mais la parenthèse de la Révolution est définitivement refermée avec l’Empire et ce régime autoritaire né du projet de fusion, oriente et crée l’opinion publique de manière souveraine. Ce projet s’est construit sur une société d’intellectuels: journalistes, historiens, espions, individus éclairés devenus rouages de cette implacable administration impériale. Venus d’horizons divers, héritiers des Lumières pour certains, vestiges des salons littéraires ou bien nostalgiques de la monarchie pour les autres, tous servent comme fonctionnaires de l’opinion publique de Napoléon, au service de ce vaste projet de fusion. Comme l’écrit Guizot dans ses Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps : « C’était une opposition de spectateurs éclairés et indépendants qui n’avaient aucune chance ni aucune envie d’intervenir comme acteurs ». »
- Marie-Paule RAFFAELLI, La construction mimétique du héros napoléonien : Napoléon et le Christ. Thèse sous la dir. des prof. Françoise GRAZIANI et prof. Maria-Stella BARBERI (Université Pascal Paoli – Corse)
« De par ses exploits un héros s’inscrit dans la continuité de l’Histoire en tant que figure d’exemplarité. Un messie ne s’inscrit pas dans l’Histoire, il en est une rupture, il la marque de son empreinte indélébile et sacrale, s’élevant ainsi à une dimension supra-héroïque.
Napoléon, en ce sens, ne tiendrait-il pas davantage du messie que du héros ? En effet, l’image du Christ s’inscrit en filigrane sous celle de ]’Empereur. Telle une toile en anamorphose, elle révèle deux parcours en un, deux présences en une, que cette thèse analyse à travers des similitudes, les unes évidentes, d’autres plus subtiles, mais néanmoins prégnantes.
Napoléon a construit sa légende par mimétisme avec la personnalité de Jésus transmise par les Évangiles. En laïcisant son messianisme, il a offert à ses contemporains la matérialisation d’un empire de ce monde pour donner corps à sa quête d’universalité et pour remplacer la dimension mystique que la Révolution française avait tenté de mettre à bas.
La postérité a validé cette démarche en renforçant un mythe sans cesse réactualisé.
Comme celui du Christ le parcours solaire de Napoléon débute pourtant dans l’ombre de la marginalité. Appelés à peu près au même âge vers un destin plus grand qu’eux ils ont, par des actes miraculeux traversé les frontières, atteint le paroxysme de leur ascension avant d’être précipités dans leur chute par leurs détracteurs. Tous deux victimes de trahison ils ont dû endurer un chemin de croix pour que s’ouvrent devant eux les portes de l’éternité.
En tant que figures d’immortalité, Napoléon et le Jésus sont comparables par les actes, les images et les symboles qui les ont inscrits sur un même plan archétypal.
Cette recherche montre comment l’imaginaire collectif a cristallisé leurs caractéristiques communes qui reposent sur les mêmes ressorts mythiques se font écho souvent et, parfois même, se superposent. En s’appuyant à la fois sur des témoignages historiques, des études contemporaines et des représentations artistiques et littéraires, elle s’attache à démontrer la légitimité de ce rapprochement. »
- Baptiste VINOT, Jean-Joachim Pellenc (1751-1833), diplomate entre la France et l’Autriche, sous la Révolution et l’Empire. Thèse sous la dir. du prof. Jacques-Olivier BOUDON (Sorbonne Université/Faculté des Lettres)
« Pellenc ? Un« intrigant comme tous les autres, et qui est à tout le monde » pour Marie-Antoinette. Le « doucereux et perfide [ … ] confident intime de Mirabeau » pour Lord Grenville, le ministre britannique des Affaires Étrangères. Comment un avocat au Parlement de Provence en est-il venu à susciter l’intérêt et la méfiance de grands acteurs de la diplomatie et de la politique européenne dans le contexte de la Révolution et de l’Empire ?
Homme de Mirabeau dans le « comité autrichien » des Tuileries, où se préparaient les réponses de la Cour à la Révolution ; corédacteur du Manifeste de Brunswick, qui accéléra sans le vouloir à la chute de la monarchie ; conseiller du ministre autrichien Thugut, l’adversaire acharné de la Révolution et de Bonaparte, puis conseiller diplomatique du duc de Bassano … une carrière peu commune qui offre l’occasion de porter un regard sur les dessous des relations franco-autrichiennes entre 1789 et 1815.
Comment Pellenc est-il passé de la diplomatie autrichienne aux Relations extérieures françaises en 1809 ? Pourquoi ce choix quand son action en faveur de Louis XVI et de Marie Antoinette, ses efforts pour faire libérer leur fille Marie-Thérèse, et ses travaux pour les diplomates des Habsbourg le situaient a priori du côté du prétendant Bourbon ? À travers le cas de Pellenc, il est possible d’interroger les liens entre le monde des émigrés français présents à Vienne et la France impériale, notamment les solidarités qui avaient pu perdurer entre ceux qui furent les amis et les collaborateurs de Mirabeau. »
BOURSE SECOND EMPIRE
De la IIe République au XXe siècle
- Marie de SEVERAC, La Bibliothèque nationale sous le Second Empire. Thèse sous la dir. de la prof. Emmanuelle CHAPRON (Université d’Aix-Marseille)
« Considérablement désorganisée par la Révolution française, et l’afflux massif de manuscrits précieux et d’éditions rares issus des dépôts littéraires, la Bibliothèque nationale met tout le XIXe siècle à se remettre de cet événement et à en assimiler l’héritage. Si plusieurs commissions se réunissent au début du siècle, l’instabilité gouvernementale qui caractérise la Restauration puis la Monarchie de Juillet ne permet la mise en place d’aucune réforme durable. Il faut attendre le Second Empire, régime fort, centralisé, désireux de prouver sa légitimité en Europe, notamment face à l’Angleterre, dont le British Museum rénové passe pour un modèle bibliothéconomique, pour voir les choses changer. Suite à la commission Mérimée, qui se réunit de janvier à juin 1858, le décret impérial du 14 juillet ouvre une ère nouvelle pour la Bibliothèque en chargeant l’architecte Henri Labrouste de la rénovation des bâtiments et en nommant au poste d’administrateur général un bonapartiste de la première heure: Jules-Antoine Taschereau. Grâce à ces deux acteurs majeurs, qui pourtant ne s’entendaient guère, la réorganisation tant extérieure qu’intérieure de la Bibliothèque impériale peut enfin s’opérer. Taschereau calque alors son mode d’administration sur le fonctionnement de l’Empire autoritaire, faisant de la Bibliothèque cette « métaphore de l’État», dont parle le philosophe Robert Damien. Les innovations qu’il impose en termes de services rendus aux lecteurs, de même que les partis pris architecturaux de Labrouste, contribuent à transformer l’institution qui devient le creuset d’expérimentations nouvelles. L’intense réflexion que mène la Bibliothèque impériale, loin d’être un phénomène isolé, se retrouve dans d’autres institutions parisiennes de l’époque : Archives de l’Empire, musées de création ancienne ou plus récente (Musée de St Germain-en-Laye, Musée des Souverains) … L’un des enjeux de notre étude consistera à replacer la réorganisation de la Bibliothèque dans ce contexte de profond questionnement institutionnel ainsi que dans l’atmosphère culturelle et artistique particulièrement éclectique qui est celle du Second Empire. »
BOURSES XIXe SIÈCLE
- Augustin GUILLOT, Littérature et économie à l’époque romantique : le marché de la poésie dans la France de la première moitié du XIXe siècle. Thèse sous la dir. du prof. Dominique KALIFA (Paris I Panthéon Sorbonne)
« Dans la première moitié du XIXe siècle, l’affirmation en France d’une littérature nouvelle (immédiatement qualifiée par les contemporains de « romantique ») est concomitante d’une transition éditoriale entre ancien régime typographique et nouveau mode de production à forte intensité capitalistique. Cette crise de modernisation de la librairie française est indissociable du renforcement des logiques marchandes. Face aux diverses tentatives de rénovation des lettres françaises qui apparaissent dès la seconde moitié du XVIIIe siècle, le romantisme apparaît alors comme l’ultime péripétie d’une lutte de subversion de la littérature conçue comme institution d’État, lutte qui trouve au cours du premier tiers du XIXe siècle les moyens de s’imposer grâce au marché éditorial. Cette recherche vise donc à comprendre comment les dynamiques de marché ont contribué à transformer le monde des auteurs, à bouleverser les valeurs littéraires et à promouvoir, sur les décombres des belles-lettres, une nouvelle conception – foncièrement imaginative – de la littérature. A cette fin, la recherche s’inscrit principalement dans une perspective d’histoire du livre et vise à présenter un état quasi-exhaustif de l’édition littéraire entre la fin de la période impériale et les lendemains de la révolution de Juillet. Parallèlement à cette démarche centrée sur le livre et indispensable à l’analyse des dynamiques de marché, seront étudiées des trajectoires d’auteur, afin de mieux saisir les mutations qui affectent les carrières d’écrivains à l’époque romantique. »
- Bourse « MINOU AMIR-ASLANI » 2019 : Xavier LACROIX, Le marquis de Moustier : un notable, un diplomate, un ministre au milieu du XIXe siècle. Thèse sous la dir. du prof. Éric ANCEAU (Sorbonne Université)
« Le marquis de Moustier (1817-1869), homme politique et aristocrate conservateur de la Seconde République puis diplomate et ministre des Affaires étrangères sous le Second Empire, n’a jamais fait l’objet d’une biographie.
Ce mémoire a entrepris de pallier cette absence en dépeignant Léonel de Moustier comme l authentique témoin de son époque qu’il été. Car le personnage incarne à merveille la jeunesse nobiliaire de la monarchie de Juillet voyageuse éprise de la Fête parisienne causant dans les cercles légitimistes et orléanistes, dans les clubs et dans les conférences, se ré-enracinant en province, y bâtissant ses châteaux et s’engageant en 1848 dans la politique locale puis nationale avant de se lancer, sous le Second Empire, dans une carrière parlementaire, affairiste, administrative ou diplomatique.
Ambassadeur de Napoléon III à Berlin durant la guerre de Crimée, à Vienne après la guerre contre l’Autriche et enfin à Constantinople Moustier s’impose comme une figure importante du corps diplomatique français du Second Empire. Ayant eu l’excellente idée de conserver pour lui seul l’ensemble de sa correspondance diplomatique, on a aujourd’hui, depuis sa récente découverte, un fonds d’archives d’une richesse inédite propre à éclairer des aspects méconnus de la politique extérieure du Second Empire ainsi que la vie quotidienne d’une ambassade au XIXe siècle.
Durant son séjour au Quai d’Orsay (octobre 1866 – décembre 1868), Moustier mène trois affaires qui méritent d’être plus amplement étudiées : l’affaire du Luxembourg le retrait du corps expéditionnaire français du Mexique et la défense de l’intégrité du territoire pontifical. »
► En 2012, la Fondation Napoléon et Me Ardavan Amir-Aslani sont convenus que, pendant cinq ans, une bourse d’études de la Fondation Napoléon porterait le nom de Mme Minou Amir-Aslani. Puis Me Amir-Aslani a décidé de reconduire pour cinq années, de 2017 à 2021 inclus, son soutien.
Minou Amir-Aslani, née à Téhéran le 18 janvier 1935 et décédée à Paris le 13 septembre 2010, fut une grande dame passionnée de littérature et d’histoire. Particulièrement intéressée par l’histoire de la Révolution française et du Premier Empire, elle éprouva un réel intérêt pour la vie de l’Empereur Napoléon Ier et du rôle joué par ce dernier dans la codification des lois et dans l’organisation du système judiciaire français. Née en Iran à un moment déjà trouble de l’histoire de ce pays, elle n’a cessé, tout au long de sa vie, passée principalement en France et en Allemagne, d’œuvrer pour l’ouverture d’esprit et de l’acceptation de l’autre dans sa différence. Admiratrice de l’enseignement de l’histoire et du droit en France, pays de tradition de droit civil qui influença le système judiciaire et le droit positif de son pays d’origine, elle a toujours accordé le plus grand respect à la recherche universitaire. Elle considérait que la seule voie qui valait la peine d’être empruntée était celle de la quête de la connaissance, garante de l’indépendance d’esprit et de la liberté de ceux qui choisissaient de la prendre.
- Natalie SMITH, Le savon et la construction du Marseille moderne : une histoire urbaine de la deuxième ville de France, 1851-1914. Thèse sous la dir. de la prof. Leora AUSLANDER (Université de Chicago – USA)
« Cette thèse vise à explorer les effets écologiques, sociaux et politiques de la savonnerie à Marseille pendant la deuxième moitié du XIXe siècle. Le projet sera divisé en deux parties. Dans la première partie, je me concentrerai sur l’histoire urbaine et environnementale de la savonnerie marseillaise sous le Second Empire et dans les premières années de la Troisième République. Dans cette section, je m’interrogerai sur la manière dont le développement de cette industrie a influencé l’environnement naturel et bâti de Marseille, avec des conséquences profondes sur la santé des riverains et des ouvriers, sur les divisions sociales entre des quartiers divers et sur l’accroissement d’un centre-ville industriel, qui a acquis progressivement un aspect distinct du modèle urbain que le baron Haussmann était en train de construire au même moment à Paris. Mes recherches démonteront que toutes ces caractéristiques, qu’elles soient sociales, urbaines ou environnementales, ont contribué aux idées populaires de cette période, selon lesquelles Marseille ne serait pas une vraie ville française.
Dans la deuxième partie de la thèse, j’analyserai l’importance politique du savon de Marseille pour m’interroger sur ce que cette industrie peut nous dire du rapport tendu entre la ville de Marseille et l’État central pendant la deuxième moitié du XIXe siècle. À cette époque, le savon de Marseille est devenu un vrai symbole de la ville, qui le produit – cette ville étant bien connue pour ses particularités culturelles (pour sa réputation plus méditerranée que française) et pour sa tendance à se révolter contre Paris et l’État central. Néanmoins, malgré le caractère très local du savon de Marseille, les politiciens au niveau national, sous le Second Empire, et, plus tard, sous la Troisième République, faisaient du savon un exemple de la supériorité industrielle et culturelle de la France entière. Cependant, à qui appartenait ce produit ? Qui avait le droit légitime de définir sa valeur symbolique et, en conséquence, le pays qu’il est arrivé à représenter? En répondant à ces questions ensemble et en employant une méthode interdisciplinaire, ce projet permettra de comprendre comment le savon – un produit apparemment banal et quotidien – a été lié aux idées de la nation pendant cette période cruciale pour la formation de l’identité nationale en France. »