Bourses d’études 2015

BOURSES PREMIER EMPIRE

• Marjorie ALAPHILIPPE, Marie-Félix Faulcon (1758-1843) : Un littérateur poitevin en Révolution.
Thèse d’Histoire sous la dir. des prof. Frédéric CHAUVAUD (Université de Poitiers) et Pierre SERNA (Université Paris I Panthéon-Sorbonne).

Dans son ouvrage consacré aux députés de Napoléon, Fabien Menant regrette que les fonds privés de ces députés soient encore inexploités et que les titrés impériaux de province restent méconnus (Les députés de Napoléon, 1799 – 1815, Nouveau Monde Éditions, 2012, p. 23). Or, l’un d’entre eux, Marie-Félix Faulcon, a laissé près de vingt-cinq mille pages d’écrits essentiellement manuscrits, conservés aux Archives départementales de la Vienne, et qui sont en cours d’inventaire, de retranscription et d’analyse dans le cadre de notre thèse de doctorat. Journaux personnels et de voyages, correspondance et autres travaux littéraires, ils couvrent toute la trajectoire de Faulcon sans interruption.
Sa carrière politique s’inscrit dans la durée : député suppléant aux États généraux, titulaire sous l’Assemblée constituante, il est membre du Conseil des Cinq-Cents puis du Corps législatif sous le Consulat et l’Empire. Membre correspondant de l’Institut et décoré de la Légion d’Honneur, il est titré chevalier en 1808. Le 3 avril 1814, en tant que vice-président du Corps législatif, il prononce la déchéance de Napoléon. Il se retire à Poitiers après avoir participé à la rédaction de la Charte constitutionnelle et s’y éteint au milieu du XIXe siècle.
L’étude de cette carrière, du personnage et des écrits de Faulcon offre un nouvel éclairage sur le vécu de la période consulaire et impériale par un membre du personnel politique. Second couteau de l’Histoire, il est resté très attaché à sa province d’origine et entretient un réseau de plus de cent cinquante correspondants, parisiens et provinciaux. Ses qualités d’écrivain prolixe et de polygraphe permettent d’interroger les pratiques culturelles et la vie intellectuelle en province, encore fort méconnues pour la période napoléonienne. Sa bibliothèque, constituée de milliers de pièces annotées de sa main, constitue ici un matériau essentiel.

• Dorothée LANNO, Les scènes de l’intimité domestique dans les arts figurés en France (1780-1815).
Thèse d’Histoire de l’art sous la dir. du prof. Martial GUEDRON (Université de Strasbourg).

Englobant trois décennies particulièrement mouvementées de l’histoire française, cette thèse apporte un éclairage inédit sur les mœurs de la société française de la fin de l’Ancien Régime à la fin du Premier Empire, par l’étude des représentations de la vie domestique. Durant cette période, les scènes de genre ainsi que les portraits figurent en bonne place dans les expositions et les Salons de peinture, témoignant d’un succès certain auprès des commanditaires, des collectionneurs et des amateurs. Si nombre de ces œuvres prennent pour sujet des contemporains anonymes, les représentations des souverains n’échappent pas à l’engouement pour l’ostentation de la vie privée. En effet, les images de propagande politique font elles aussi l’objet d’une « intimisation », à l’instar des portraits de l’Empereur et de ses proches.
Ce goût pour ce qui relève de la sphère privée n’a pas réellement retenu l’attention des historiens de l’art de cette période, qui se sont penchés davantage sur les grandes compositions historiques et sur les réalisations artistiques liées aux évènements politiques. S’appuyant sur un corpus riche de plusieurs centaines d’œuvres peintes, dessinées et gravées, ce doctorat propose une analyse croisée entre images et écrits des artistes et des critiques (textes sur leurs travaux, écrits théoriques, textes critiques, etc.), afin de comprendre la valeur de l’intimité à l’époque.

Dorothée Lanno a brillamment soutenu sa thèse le 10 novembre 2017 : les mentions ayant été supprimées en 2009 à Strasbourg, D. Lanno a obtenu trois appréciations « très bien » pour le niveau scientifique, la qualité de la présentation orale et la maîtrise dans la discussion, et une appréciation « exceptionnel » pour la qualité du document écrit.

BOURSES SECOND EMPIRE

• Arthur HERISSON, Les catholiques français face à l’unification italienne (1856-1871).
Thèse d’Histoire sous la dir. des prof. Philippe BOUTRY et Gilles PECOUT (Université Paris I Panthéon-Sorbonne).

Parmi les grandes questions internationales qui préoccupèrent l’Europe au XIXe siècle, la question italienne se distingue par le très large écho qu’elle eut non seulement auprès des chancelleries mais également auprès des opinions publiques. En France, parce que le pays tint un rôle central dans les événements qui ponctuèrent le Risorgimento, ceux-ci furent l’objet d’une importante médiatisation et suscitèrent d’importants débats.
Les catholiques, en raison de la menace que représentait l’unification italienne pour le pouvoir temporel de la papauté, prirent une part importante dans ces débats. Alors même qu’ils avaient constitué durant les années 1850 l’un des piliers du régime impérial, la politique italienne de Napoléon III poussa une grande partie d’entre eux à rompre avec le régime. Nos recherches visent à étudier les différentes attitudes des catholiques français à l’égard de l’unification italienne ainsi que les formes prises par la mobilisation contre cette unification. Une telle étude doit permettre de mieux connaître ce qui fut un moment majeur de politisation à droite, dans la continuité de la lutte pour la liberté d’enseignement des années 1840 et avant les différents conflits de la Troisième République. Elle devra également rendre compte des mutations du catholicisme au milieu du XIXe siècle, caractérisé à la fois par un recentrage autour de la papauté et par le renforcement des tenants d’une position d’intransigeance vis-à-vis de la société moderne.

• Frantz LAURENT, Charlemagne-Émile de Maupas (1818-1888) : étude d’une carrière politique et administrative sous le Second Empire, du ministère de la Police générale au Sénat.
Thèse d’Histoire sous la dir. du prof. Éric Anceau (Université Paris IV Sorbonne).

Charlemagne-Émile de Maupas, préfet entré en politique au milieu du XIXe siècle et artisan discret du coup d’État du 2 décembre 1851, est peu à peu redécouvert par les historiens du Second Empire depuis une quinzaine d’années. Claude Vigoureux, son premier biographe, a surtout consacré sa thèse de doctorat au rôle de Maupas, comme préfet de police de Paris, dans la préparation et la mise en œuvre du coup d’État. La suite de son parcours, pourtant riche et variée, reste donc à explorer. Aussi notre projet de thèse consiste-t-il à étudier sa carrière politique et administrative sous le Second Empire. Du ministère de la Police générale au Sénat impérial, en passant par la légation de France à Naples et la préfecture des Bouches-du-Rhône, Maupas a laissé de très nombreuses traces, notamment dans le formidable fonds 607 AP des Archives nationales, inventorié en 2013 et désormais ouvert aux chercheurs. Notre étude devrait permettre de mieux comprendre en quoi ce notable idéal-typique a construit sa carrière en mobilisant à la fois un capital familial solide (capital économique, culturel et même symbolique) et de multiples réseaux, tant parisiens que provinciaux. Administrateur ou politique ? Cette apparente dualité est en réalité le signe d’une grande ambition personnelle et d’une appartenance à une élite fortement attachée à l’État, au conservatisme social et au régime monarchique.

BOURSES XIXe SIÈCLE

• Romuald FAYON, Aiglons et condors. L’influence du bonapartisme sur la vie politique contemporaine en Amérique latine.
Thèse d’Histoire sous la dir. des prof. Jacques Olivier BOUDON (Université Paris IV Panthéon-Sorbonne) et Clément THIBAUD (Université de Nantes).

Le bonapartisme est généralement perçu comme une singularité française ou comme un phénomène européen. Il est cependant possible de l’utiliser comme catégorie d’analyse politique et d’en identifier les avatars contemporains. Jusqu’à présent, historiens et politistes abordent peu l’influence du bonapartisme sur la vie politique contemporaine des pays latino-américains. Les connexions mutuelles sont pourtant bien réelles, des anciens officiers napoléoniens exilés outre-Atlantique, jusqu’aux vétérans de l’Empire rejoignant les chefs révolutionnaires dans leur lutte pour l’indépendance. Inversement, plusieurs Libertadores manifestent leur ferveur pour Napoléon ou sont conduits à l’approcher en Europe.
Au-delà de ces influences directes, la présente étude se propose de rechercher et analyser les analogies, corrélations et filiations pouvant exister entre le bonapartisme et l’autoritarisme, voire le populisme, à travers quelques États représentatifs (Mexique, Venezuela, Colombie, Bolivie, Brésil et Argentine). En Amérique latine, l’autoritarisme et le populisme ne semblent pas renier l’héritage révolutionnaire. Mais peut-on les qualifier, sur le modèle du « césarisme démocratique », de « démocratie illibérale » ? Par ailleurs, le bonapartisme est-il simplement adapté et rénové ou au contraire dévoyé et déformé, et cette influence est-elle réellement assumée et revendiquée ou complètement niée et refoulée ?

• Annika HASS, Treuttel & Würtz : une maison d’édition et librairie transnationale entre Lumières et Romantisme (1770-1840).
Thèse d’Histoire sous la dir. des prof. Hans-Jürgen LÜSEBRINK (Université de la Sarre en Allemagne) et Frédéric BARBIER (École Pratique des Hautes Études).

La maison Treuttel et Würtz, d’origine strasbourgeoise, était déjà active avant la Révolution en tant qu’éditeur et libraire de détail, mais elle passe, sous le Premier Empire, d’une activité surtout centrée sur le domaine franco-allemand à une librairie internationale de tout premier plan. À côté de la maison d’origine à Strasbourg s’ajoutent des succursales à Paris (1796) et à Londres (1817). Treuttel et Würtz sont non seulement les éditeurs de Goethe (seconde traduction de Hermann und Dorothea en français en 1800), mais aussi de Mme de Staël (première édition des œuvres complètes, 1820/1821) ou de Benjamin Constant (première édition d’Adolphe, 1816). Le catalogue des auteurs témoigne de la présence de nombreux « passeurs culturels » franco-allemands, ainsi que du poids de la sensibilité protestante (avec des personnalités comme Paul-Jérémie Bitaubé, François Guizot, Charles de Villers, et d’autres).
Notre recherche est conçue comme un travail interdisciplinaire, fondé sur l’histoire du livre et sur l’histoire littéraire tant en France qu’en Allemagne et en Angleterre ; elle s’appuie sur de nombreuses sources d’archives (à Strasbourg, Paris, Londres, Weimar, Neuchâtel, etc.) et de bibliographie.

Bourse « MINOU AMIR-ASLANI » 2015. Solène SAZIO, Hippolyte Bellangé (1800-1866), l’artiste en son temps.
Thèse d’Histoire sous la dir. des prof. Ségolène LE MEN et Yannick MAREC (Université de Rouen)

Hippolyte Bellangé (1800-1866) connaît une longue carrière qui s’étend de la Restauration au Second Empire. Après avoir exposé ses premières œuvres au Salon de 1822, cet élève d’Antoine-Jean Gros s’impose sur la scène artistique comme l’un des principaux représentants de la peinture d’histoire. La figure de Napoléon parcourt l’œuvre entière d’Hippolyte Bellangé qui se déclare ouvertement bonapartiste. Une imagerie napoléonienne qu’il diffuse à travers la peinture d’histoire, de genre, l’aquarelle et la lithographie. L’étude de la production de Bellangé montre le lien intime qui existe entre peinture d’histoire et engagement politique. Ainsi, de manière légitime, son œuvre invite à étudier l’impact de l’imagerie napoléonienne sur la montée du bonapartisme en ce milieu de XIXe siècle.
Outre sa carrière de peintre, la vie de Bellangé est également marquée par son statut de conservateur du musée des Beaux-arts de Rouen. L’étude de cette activité permet de saisir la genèse d’un métier alors en plein développement et d’appréhender les réseaux artistiques actifs en Normandie durant cette période. Enfin, la clientèle de l’artiste apparaît comme très diversifiée, comprenant l’État, des collectionneurs privés français et étrangers, ainsi que des marchands. Une enquête sur le statut de ses relations et de ses acquéreurs révèle les stratégies marchandes d’un artiste du XIXe siècle.
L’étude de ce parcours pluridisciplinaire offre un champ d’étude remarquable et fournit bien des clefs pour comprendre la carrière et la statut d’un artiste sous la monarchie de Juillet et le Second Empire et permet de voir ce que pouvait être un art engagé, profondément patriotique et résolument populaire.

En 2012, la Fondation Napoléon et Me Ardavan Amir-Aslani sont convenus que, pendant cinq ans, une bourse d’études de la Fondation Napoléon porterait le nom de Mme Minou Amir-Aslani.
Minou Amir-Aslani, née à Téhéran le 18 janvier 1935 et décédée à Paris le 13 septembre 2010, fut une grande dame passionnée de littérature et d’histoire. Particulièrement intéressée par l’histoire de la Révolution française et du Premier Empire, elle éprouva un réel intérêt pour la vie de l’Empereur Napoléon 1er et du rôle joué par ce dernier dans la codification des lois et dans l’organisation du système judiciaire français. Née en Iran à un moment déjà trouble de l’histoire de ce pays, elle n’a cessé, tout au long de sa vie, passée principalement en France et en Allemagne, d’œuvrer pour l’ouverture d’esprit et de l’acceptation de l’autre dans sa différence. Admiratrice de l’enseignement de l’histoire et du droit en France, pays de tradition de droit civil qui influença le système judiciaire et le droit positif de son pays d’origine, elle a toujours accordé le plus grand respect à la recherche universitaire. Elle considérait que la seule voie qui valait la peine d’être empruntée était celle de la quête de la connaissance, garante de l’indépendance d’esprit et de la liberté de ceux qui choisissaient de la prendre.