Carnet > Décès du journaliste Jean-Pierre Elkabbach (1937-2023)
Jean-Pierre Elkabbach nous a quittés mardi soir. Nous connaissons tous le grand homme de radio et de télévision qu’il fut, ayant interviewé les plus importants de ce monde. Il est notamment resté célèbre pour avoir annoncé à la télévision la victoire de François Mitterrand le 10 mai 1981. Nous ne rappellerons pas ici sa carrière foisonnante de journaliste mais plutôt sa passion, moins connue mais véritable, pour l’Histoire. Il aimait en effet l’Histoire et ses historiens autant que la politique ou la littérature.
De 2001 à 2018, alors qu’il animait sur la chaîne Public Sénat l’émission littéraire Bibliothèque Médicis, il a reçu un grand nombre d’historiens, mettant en valeur leur travail avec la maestria qu’on lui connaissait. Pour ceux qui participèrent à cette émission, le cérémonial était toujours le même. Entourés par les prestigieux livres du Sénat, les invités prenaient place autour de la fameuse table, et avaient le temps d’échanger entre eux avant qu’il n’arrive, le pas décidé. Après un rapide bonjour, les caméras s’allumaient et l’émission débutait. Ainsi, en ne rencontrant pas avant les auteurs, gardait-il la fraîcheur comme la spontanéité des réponses qu’il allait avoir. Ensuite, il virevoltait d’une question à l’autre, ses précieuses fiches en main qu’il travaillait très tôt le matin avec la même application quel que soit le sujet.
Chaque année, il consacra au moins une émission à Napoléon, y conviant ceux qui faisaient l’actualité éditoriale du moment. Grâce à lui, ils furent nombreux à entendre l’histoire du vainqueur d’Austerlitz, à l’apprécier tant il donnait du temps à ses invités pour s’exprimer. Jean-Pierre Elkabbach était un homme vrai, sincère, qui, s’il ne faisait pas mystère de ses opinions, ne les mettait pas pour autant en avant. Malgré son immense parcours de vie, il s’effaçait toujours devant son invité, humble encore et toujours. Parler de lui-même en privé ne l’intéressait pas. Il questionnait sans cesse celui qui était en face de lui, avide de connaissances et s’intéressant toujours aux discours de l’autre. Et s’il « cuisinait » parfois avec insistance ses invités, c’était toujours pour s’approcher au plus près d’une vérité que le public se devait selon lui de connaître.
Pour notre colloque des 15 et 16 novembre consacré au Mémorial de Sainte-Hélène de Las Cases, il avait accepté avec son complice Alain Duhamel, de faire revivre l’une des émissions qui l’avait rendu célèbre dans les années 1980, « Cartes sur tables ». C’eut été amusant et surtout instructif de l’entendre nous dire les questions qu’il aurait posées à Napoléon, lui le grand journaliste qui aurait tant aimé être à la place de Las Cases ne serait-ce qu’un court moment. Avec la Fondation Napoléon, il travaillait aussi à la réédition de l’ouvrage d’Achille de Vaulabelle, Histoire des deux Restaurations dont François Mitterrand et Pierre Juillet, le conseiller de Georges Pompidou, lui avaient conseillé la lecture afin de mieux comprendre la politique française.
Malgré la maladie, il ne manquait donc pas de projets, resté heureux et curieux de tout, tel l’enfant d’Oran qu’il était, au fond, toujours resté. Sa jeunesse d’esprit comme son incroyable énergie nous manqueront.
À son épouse et à sa fille, la Fondation Napoléon présente ses très sincères condoléances.
mise en ligne : 4 octobre 2023