Service particulier de l’empereur

Manufacture de Sèvres
19 assiettes du service particulier de l’Empereur
1807-1811
Porcelaine dure
D. 24 cm.
Inv. 30, acquisition 1991, inv. 414 à 418 et inv. 792 A à M, donation Lapeyre

Après s’être dessaisi du service olympique en faveur du tsar, puis de celui dit à « zones d’or » pour l’ambassade de Caulaincourt en Russie, Napoléon décide en octobre 1807 de commander à la manufacture de Sèvres un service destiné à la table impériale connu sous le nom de service particulier de l’Empereur. Il était réparti en quatre ensembles bien distincts :
• un service d’entrée composé de 24 assiettes à potage (1 à Fontainebleau), 8 beurriers, 18 pots à jus et 4 saladiers
• un service de dessert comportant 24 assiettes à monter, 12 compotiers (2 à Fontainebleau), 4 vases glacières (3 à Fontainebleau), 4 sucriers (3 à Fontainebleau), 10 corbeilles de diverses grandeurs et un ensemble de 72 assiettes richement peintes auxquelles appartiennent les nôtres
• un surtout en biscuit de 25 pièces formé de 16 figures d’après l’antique, d’un char traîné par deux chevaux, et de réductions en porcelaine de candélabres, de trépieds, de vasques et de chaises antiques en marbre (plusieurs éléments au musée du Louvre)
• un cabaret comportant 24 tasses et soucoupes, 3 pots à sucre, un pot à crème et un pot à lait, le tout orné de vues d’Egypte et de têtes de personnages orientaux.

Comme une partie du service à dessert, ce service à café suivit l’Empereur à Sainte-Hélène (en grande partie au musée du Louvre). Le prix de l’ensemble s’élevait à la somme considérable de 65 449 F contre 53 400 F pour le service olympique qui avait été envoyé en cadeau au tsar Alexandre en 1807.
On connaît également les assiettes de dessert du service particulier de l’Empereur sous le nom de service des Quartiers Généraux ; cette dernière appellation, que lui donne déjà le fidèle valet de chambre Marchand au moment du départ pour Sainte-Hélène, fait peut-être référence au quartier général que Napoléon occupait pendant ses campagnes et dont un certain nombre sont représentés sur les assiettes. Le service comporte 72 assiettes plates représentant divers sujets dont 28 fournis par Napoléon lui-même : 4 pour les deux campagnes d’Italie, 15 figurant l’expédition d’Egypte, 3 la campagne d’Autriche et les 6 autres les campagnes de Prusse et de Pologne. Le directeur de la manufacture, Alexandre Brongniart, aidé par Vivant Denon, complète la liste par d’autres faits marquants des mêmes campagnes, par des vues de Paris, des résidences impériales, des grandes institutions de l’Empire ou des grands travaux exécutés en province. Chaque assiette coûte 425 F, somme jamais surpassée à l’époque. Pour le dessin du marli, on utilise la bordure de glaives antiques dessinée en avril 1807 par le père du directeur de la manufacture, l’architecte Alexandre-Théodore Brongniart ; il est enfin décidé d’adopter le ton vert de chrome, récemment mis au point par le chimiste Vauquelin. Le travail des peintres peut alors commencer en janvier 1808 pour s’achever en mars 1810, juste à temps pour que le service soit livré le 27 mars au palais des Tuileries afin de servir au grand banquet du 2 avril marquant le mariage de l’Empereur avec Marie-Louise. En comptant les différents cadeaux faits par l’Empereur, qui nécessitent des réassortiments, Sèvres réalise en tout 82 assiettes, mais la table des Tuileries n’en comporta jamais plus de 72 à la fois. Le travail des peintres est réparti entre Jacques-François Swebach (27 assiettes), Nicolas-Antoine Lebel (20 assiettes), Jean-François Robert (20 assiettes), Christophe-Ferdinand Caron (9 assiettes), Pierre-Jean Boquet (2 assiettes), Jean-Claude Rumeau (2 assiettes), Jean-Louis Demarne (1 assiette) et François Gonord (1 assiette). La dorure des frises, payée 25 F par assiette, est confiée à François-Antoine Boullemier et à son frère, Antoine-Gabriel, tandis que la dorure des garnitures revient à Pierre-Jean-Baptiste Vandé.

Lors de la première Restauration, les 72 assiettes conservées aux Tuileries sont envoyées à Sèvres afin de faire meuler les inscriptions figurant au dos ainsi que les marques du Premier Empire remplacées par le chiffre de Louis XVIII, deux L affrontées peintes en noir. Napoléon retrouve son service pendant les Cent Jours et, en juin 1815, Fouché l’autorise à emporter 60 assiettes à Sainte-Hélène, les 12 autres restant au Garde Meuble. L’Empereur ne les utilise pas à Longwood, les réservant pour faire des cadeaux à son entourage, si bien qu’à sa mort il en subsiste encore 54. Ces assiettes ont été remarquées par la plupart des témoins de Sainte-Hélène ; Bertrand se souvient qu’après la mort de l’Empereur, selon les souhaits de lady Lowe, le mobilier est remis en place dans l’appartement et que les assiettes de porcelaine sont alors exposées dans la salle de billard ; Ali de son côté, toujours aussi précis dans ses descriptions, rapporte qu’ « à dîner [l’Empereur] s’amuse à regarder les peintures des assiettes du beau service de porcelaine de Sèvres. Il est à observer que sous ces assiettes, les Bourbons avaient fait graver le chiffre de Louis XVIII, des L opposés ». Dans un état daté du 15 avril 1821 annexé à son testament, Napoléon précise : « 1° Mon médailler. 2° Mon argenterie et ma porcelaine de Sèvres dont j’ai fait usage à Sainte-Hélène. 3° Je charge le comte Montholon de garder ces objets et de les remettre à mon fils quand il aura seize ans. » La Cour de Vienne ayant refusé ce legs, Montholon conserve les assiettes et les distribue à son gré ; en 1851 le fils de Las Cases en a encore vingt-quatre. Sur les 19 assiettes appartenant à la Fondation Napoléon, 15 figurèrent à Sainte-Hélène, tandis que les 4 autres furent envoyées en 1810 par Napoléon comme cadeaux à ses beaux-parents, l’empereur et l’impératrice d’Autriche. Le musée national du château de Fontainebleau en présente de son côté 22, dont 9 des 12 restées au Garde Meuble en 1815, l’une d’elles, cassée, ayant d’ailleurs été refaite en 1824. 3 sont conservées au musée de Malmaison, 3 au musée royal de l’Armée de Bruxelles, 2 au musée de Sèvres, une au musée du Louvre, une au musée napoléonien du palais princier de Monaco et les autres dans des collections particulières ; seules 8 assiettes ne sont pas encore connues.

Photos © Fondation Napoléon

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