Bourses d’études 1996

BOURSE D’ÉTUDES PREMIER EMPIRE

  • José OLCINA : L’opinion publique en Belgique entre 1809 et 1816 (Premier Empire)
    Thèse de doctorat d’histoire moderne et contemporaine
    Sous la direction du professeur Jean Tulard
    Université Paris IV-Sorbonne

    Comment les Belges, français depuis 1795, réagirent-ils face aux aléas militaires, politiques et économiques des dernières années du régime napoléonien et comment accueillirent-ils ensuite l’union belgo-hollandaise de 1815? Telle est la question à laquelle nous désirons apporter des éléments de réponse dans le cadre d’une thèse portant sur l’opinion publique belge entre 1809, date d’un nouveau conflit entre la France et l’Autriche et du débarquement anglais à Walcheren, et 1816, lorsque le royaume des Pays-Bas acheva sa première année d’existence. Certes, la période française en Belgique, de même que l’histoire de l’État hollando-belge, ont fait l’objet de nombreuses études, principalement au cours du siècle passé et des premières décennies du nôtre. Cependant, outre que celles-ci n’ont tiré parti que de sources relativement réduites, elles s’avèrent surtout lourdement marquées par le nationalisme belge de leurs auteurs et ont donc mal vieilli. Par ailleurs, on ne s’est guère penché jusqu’à présent sur la transition entre les régimes français et hollandais, période pourtant intéressante puisqu’on peut y déceler plus aisément qu’à d’autres moments quelles étaient les aspirations politiques des populations envisagées.L’une de nos principales préoccupations sera de rendre compte, autant que possible, des mécanismes présidant à l’évolution d’une opinion publique sans cesse en mouvement durant la période considérée. Quelles furent les diverses causes de satisfaction ou de mécontentement des populations sous les pouvoirs qui se succédèrent alors? Comment se combinèrent-elles? Quelles furent leurs importances et leurs rôles respectifs? Y eut-il des attitudes propres aux différentes classes sociales, voire à des groupes sociaux en leur sein? Tout cela devrait être examiné afin d’approcher la réalité et la dynamique socio-politique de la Belgique au cours des huit années étudiées. Concrètement, on ne peut évidemment éviter de se demander comment les Belges vécurent les guerres napoléoniennes et, notamment, comment ils perçurent les conflits de 1809 et de 1813 opposant leurs anciens souverains autrichiens et la France.Il s’agira aussi d’examiner dans quelle mesure ce sont les circonstances des derniers temps de l’Empire (crise économique et accroissement des exigences gouvernementales) ou des sentiments préexistants mais jusque-là partiellement contenus et moins ostensibles, qui expliquent l’hostilité manifestée en 1813 par une grande partie de la Belgique envers le pouvoir français. Resterait à rendre compte ensuite du retournement d’une part considérable de l’opinion et de la vague de francophilie que connut la Belgique dès 1814. Jusqu’à quel point celle-ci s’explique-t-elle par le rude traitement infligé au pays par les armées coalisées, ou par la perspective de la réunion avec la Hollande, ou encore par la grave crise économique consécutive à la séparation d’avec la France et à la levée du Blocus continental ? C’est en tentant d’élucider tout cela que l’on peut espérer comprendre l’absence, quasi totale, de mobilisation de la Belgique contre la France durant les Cent-Jours et l’accueil favorable réservé par les habitants du Hainaut à l’armée impériale en marche vers Waterloo.Se pose évidemment aussi la question de l’existence de différentes d’attitude régionales, entre la France et la Wallonie, et, en filigrane, celle de l’existence du sentiment national belge une vingtaine d’années après la disparition d’éphémères États de Belgique Unis et une quinzaine d’années avant la naissance du royaume de Belgique.En ce qui concerne les sources datant de la période française en Belgique, les principales à mettre en oeuvre sont constituées par la correspondance des préfets avec les ministères de la police et de l’intérieur, sur des rapports de police de diverses origines et sur certaines archives militaires. Des sources hollando-belges analogues favorisent l’étude de l’opinion sous le gouvernement provisoire que connut la Belgique en 1814 puis sous la nouvelle monarchie du Royaume des Pays-Bas.

    José Olcina, titulaire d’une licence en histoire, a déjà soutenu un premier mémoire : L’opinion publique en Belgique entre 1812 et 1815 (Les Belges face à l’écroulement de l’Empire) récompensé par le prix Suzanne Tassier en 1992. Il a obtenu son DEA en histoire moderne et contemporaine à l’Université de Paris-Sorbone, mention : Très Bien, en 1995. De 1995 à 1996, il a engagé la présente thèse sous la direction de M. Jean Tulard. Il est assistant à la Faculté des Science Sociales, Politiques et Économiques de l’Université Libre de Bruxelles, auprès de M. Jean-Jacques Heirwegh, pour les cours d’histoire économique depuis la fin du XVIII ème siècle. José Olcina est l’auteur d’un article : « L’opinion publique de la retraite de Russie à Waterloo » publié dans la Belgique française, Bruxelles, 1993 (ouvrage publié sous la direction scientifique de M. Hervé Hasquin).

BOURSE D’ÉTUDES SECOND EMPIRE

  • Karine HUGUENAUD : La politique artistique du Second Empire (Second Empire)
    Thèse de doctorat d’histoire de l’art
    Sous la direction du professeur Gérard Monnier
    Université Paris I – Panthéon-Sorbonne

    Période longtemps négligée et sous-estimée de l’histoire française, le Second Empire a souffert de la même façon d’un profond discrédit en histoire de l’art. Les récriminations les plus courantes portaient sur l’incompétence d’un gouvernement peu clairvoyant en matière artistique : la méconnaissance du mouvement impressionniste naissant liée à l’opposition de quelques peintres fameux (Courbet et Manet) suffirent à déconsidérer le régime impérial et à le taxer d’autoritarisme. A cela s’ajoutaient les invariables poncifs sur le triomphe d’un art officiel répondant à toutes les normes bourgeoises, un art facile et conventionnel dénoncé pour son goût du pastiche et de l’éclectisme. Ces considérations caricaturales contribuèrent à donner de l’art du Second Empire une vision bien méprisable, à peine nuancée par les réalisations dues à l’action directe de l’Empereur : L’urbanisme haussmannien, les grands chantiers, le Salon des Refusés de 1863, les Expositions universelles de 1855 et de 1867, etc. Il fallut attendre près d’un siècle pour voir cette vision négative s’estomper au profit d’une redécouverte plus attentive. De l’exposition L’art en France sous le Second Empire en 1979 à l’ouverture du musée d’Orsay en 1986, les études et les lieux consacrés à l’art de cette période se sont multipliés sans toutefois offrir un tableau complet de sa richesse et de sa diversité et surtout sans rendre compte dans sa globalité de l’action du gouvernement. Le rôle de l’État lors de cette intense période de création mérite en effet une analyse sérieuse. Le gouvernement impérial montre très tôt un intérêt marqué pour le monde des arts : la politique artistique du Second Empire se met en place avant la proclamation de celui-ci, dès la fin de 1849, avec la nomination du comte Alfred Emilien de Nieuwerkerke, directeur des musées et futur surintendant des Beaux-Arts. Cette politique vise tout d’abord à la reprise en main d’une institution largement libéralisée lors de la Révolution de 1848 : le Salon. Ce sujet a fait l’objet des mémoires successifs de maîtrise (Les Salons du Second Empire) et de DEA (Des Salons à la Réforme de 1863) de Karine Huguenaud. Très logiquement, elle choisit de poursuivre cette étude en l’étendant à l’ensemble des institutions artistiques contrôlées par l’État. Son projet en traitant un thème aussi ambitieux est de réussir à établir une synthèse de la politique artistique du Second Empire. Ses recherches s’organisent autour de cinq lignes directrices :

    • Dresser le cadre politique et administratif relatif aux beaux-arts afin de définir les compétences, les moyens d’action et les limites des différents services (ministère de l’Intérieur, ministère d’État et de la Maison de l’Empereur et des Beaux-Arts, ministère de l’instruction publique, ministère des Lettres, Sciences et Beaux-Arts). Parallèlement, une étude concernant les responsables de cette politique s’impose : Napoléon III et la famille impériale, les ministres (Fould, Walewski, Vaillant, Richard), les grands administrateurs (Nieuwerkerke, Chennevières, Gautier, Courmont, Mercey, etc.) ainsi que quelques personnalités dont l’action et l’influence en matière artistique sont essentielles (Viollet-le Duc, Mérimée)
    • Évoquer le rôle de l’Institut et son influence sur les Arts en France : il s’agit ici de montrer comment la suprématie de l’Académie en matière d’enseignement artistique est lentement remise en cause par les instances officielles jusqu’au « coup de théâtre » de la Réforme de 1863. Cette réforme constitue un des pivots de la politique artistique du Second Empire et témoigne des ambitions du gouvernement sur la question de l’éducation. L’enseignement du dessin suscite en effet un débat passionné durant tout l’Empire. Il a pour enjeu un point déterminant de la politique impériale : les beaux-arts appliqués à l’industrie.
    • Aborder la question fondamentale des Salons et des Expositions universelles. Il ne s’agit pas de répéter les études précédemment effectuées en maîtrise et en DEA, mais d’éclaircir ou de préciser à la lumière de nouveaux éléments les points restés flous, tout en insérant ces institutions dans le cadre général de la politique gouvernementale. Il est important de replacer ces manifestations dans un contexte national en les situant par rapport aux expositions de province et à celles consacrées à l’art industriel.
      Cette question des expositions introduit directement celle des achats et des commandes, vaste champ d’études dont aucun recensement n’a été entrepris jusqu’à présent. Quelles en sont les conditions générales, les responsables directs, les genres et styles des oeuvres acquises et enfin leurs destinations (musées, demeures impériales, bâtiments publics…)? Cette entreprise essentielle permettra notamment de dresser un bilan de la politique d’acquisition en ce qui concerne l’art contemporain.
    • Ce dernier point est étroitement lié à la politique architecturale du Second Empire. Tandis que Paris fait l’objet d’une immense opération d’urbanisme, des chantiers prestigieux sont entrepris (Louvre, Opéra, …) et les demeures impériales font l’objet d’importantes décorations. Sans produire une analyse détaillée des nombreuses constructions entreprises, il est toutefois important de les situer dans la politique impériale : types des commandes , choix des artistes et ligne esthétique dominante.

    Ces différentes lignes de recherches étroitement articulées les unes aux autres sont nécessaires à la compréhension globale de la période. Le travail définitif ne portera pas forcément en détail sur chacune d’elles mais c’est seulement au prix de cette étude générale qu’il sera possible de définir les principes de l’action artistique impériale et de justifier ou non de l’existence d’une doctrine officielle. La notion d’art du Second Empire ou style Napoléon III, notion désormais acceptée mais encore trop floue, y trouvera certainement une définition plus précise.

    Karine Huguenaud est titulaire d’un DEA d’Histoire de l’art, Paris I Panthéon-Sorbonne. Elle collabore au catalogue de l’exposition « Paris-Bruxelles » au musée d’Orsay (Biographies et notices) à paraître en mars 1997 sous la direction d’Anne Pingeot, commissaire de l’exposition et conservateur en chef du musée d’Orsay.